Patty Diphusa, la Vénus des lavabos, de Pedro Almodovar
On connaissait ses tours de manivelle, mais beaucoup moins ses coups de plume. Dans son livre, Patty Diphusa, la Vénus des lavabos, un ensemble de textes qu'il vient de publier, Pedro Almodovar révèle les autres facettes de sa personnalité.
« Il y avait quelque chose qui m'attirait chez ce garçon. Je ne parle pas du paquet qui remplissait sa braguette, ni de ses bras qui ressemblaient à une usine de vitamines. Non, c'était autre chose. Mais je ne savais pas quoi. » Ainsi s'exprime Patty Diphusa qui confie à un de ses nombreux partenaires : Tu es « un jouet dans les mains du destin. Et ton destin est le plaisir. En ces heures extraordinaires où les ombres disparaissent inondées par la lumière d'un jour nouveau, il n'est rien de meilleur que le corps d'une déesse où déposer le peu d'énergie qu'il te reste. »
Les confessions de cette star du porno ne manquent pas de sel. Ni de sperme, d'ailleurs. Car c'est un Almodovar pornographe qui se révèle, avec une bonne dose de dérision.
Pour être plus précis, c'est d'autodérision dont il s'agit. Cela n'empêche pas Patty de demeurer un personnage infiniment positif, quelles que soient les circonstances. Battue, violée (« le clitoris endormi attaqué par une queue ravageuse »), bafouée, Patty trouve son équilibre dans Madrid dévastée par la drogue et le snobisme, peuplée de transsexuels, travestis et autres homosexuels.
La deuxième partie de l'ouvrage, intitulée « Remplissage » est constituée de textes divers écrits par Almodovar dans les années 80. On y découvre, entre autres, une belle analyse d'« Autant en emporte le vent » : Scarlet était un travelo-laboureur et Rhett Butler un pédé bien moins important que la terre nourricière. Fort intéressant, également, le commentaire de « La loi du désir » par le réalisateur, assorti d'un hommage à Carmen Maura, transsexuel génial à l'écran et vraie femme dans la vie.
Enfin, le troisième volet de ce bouquin hétéroclite prodigue quelques « Conseils pour devenir un réalisateur de renommée internationale ». Rien de sérieux, bien sûr, dans cette satire de certains milieux artistiques qui règle leur compte à quelques clichés et stigmatise l'hypocrisie dont Almodovar, à l'évidence, n'est pas dupe. Sa causticité dénuée de toute agressivité n'épargne pas ses propres racines agraires : tu réaliseras « peut-être un jour un film faussement "rural" dans lequel tu tourneras en dérision ses soupes trop lourdes, ses jambes couvertes de varices, son obésité et sa mauvaise haleine. Toutes ces valeurs hautement morales dont on ne parle jamais dans les films traitant de la tradition paysanne ». Les réalisateurs invités à participer à des jurys de festivals cinématographiques apprendront pour leur part à toujours primer le plus mauvais film pour limiter la concurrence. Bref, que des bons tuyaux.
« Patty Diphusa, la Vénus des lavabos » est un ensemble de textes très révélateurs de la riche personnalité d'Almodovar et correspond à son univers peuplé de dingues, où tout est décrit avec modestie et par-dessus tout avec humour.
■ Patty Diphusa, la Vénus des lavabos, de Pedro Almodovar, Editions Points, 160 pages, 2011, ISBN : 978-2757823194