Le fou de Dieu, Héliogabale, Jean-Claude Perrier
« O Temps ! O Mœurs! » se serait écrié le vieux Caton, s'il avait connu le règne de l'empereur Héliogabale ; ou s'il avait lu la biographie romancée que Jean-Claude Perrier consacre au petit neveu de Septime Sévère.
Plutôt que de s'adonner à des plaisirs sybaritiques, l'adolescent aurait mieux fait d'étudier dans Tacite et Suétone la vie des dynastes julio-claudiens : il se serait davantage méfié des intrigues ambitieuses des impératrices syriennes : sa mère Julia Mammaea et surtout sa grand-mère Julia Maesa. Pourtant, Néron lui montrait l'exemple ; hélas, ces régentes de l'histoire romaine ont la peau dure : on a beau les empoisonner à petit feu, couler leur galère, remplacer la bourre de leurs oreillers par un nid de vipères, elles persistent et signent ; elles reviennent à la nage, à moins que les vipères elles-mêmes ne succombent à leur morsure.
Singulière destinée que celle d'Héliogabale : éclat fugitif d'une beauté et d'un règne qui durent à peine plus longtemps que l'éclipse de l'astre auquel il voue un culte fanatique, au grand scandale des sénateurs et des derniers Romains restés fidèles aux dieux traditionnels.
Sur les tablettes de Jean-Claude Perrier renaissent Emèse et Rome, décors de carton-pâte plus vrais que nature : villes de mille et une nuits où des serviteurs muets gardent les palais de Roxane où des esclaves tout nus et peints en doré président aux luxueuses bacchanales offertes pour le mariage impérial. Sur quel critère sont-ils choisis ? D'après les proportions colossales du troisième membre inférieur, que Marlène, elle, ne possède pas. Quant aux jeunes épousées successives, malheur à elles si elles ne peuvent assurer la descendance : elles finissent dans la piscine, livrées aux crocodiles.
L'auteur est un ancien élève de Pierre Grimal qui a tant fait pour montrer l'originalité dionysiaque et raffinée de la civilisation romaine, dégagée de son modèle grec.
Les qualités de conteur de Jean-Claude Perrier sont indéniables ; mais certaines scènes frisent l'anachronisme (comme celle où Julia Maesa dépouille son courrier) ne sont bonnes qu'à jeter du haut de la roche Tarpéienne.
■ Le fou de Dieu, Héliogabale, de Jean-Claude Perrier, Editions Olivier Orban, 339 pages, 1988, ISBN : 978-2855654041
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