Les marins sont les ailes par Luis Cernuda
Poète ouvertement homosexuel, Luis Cernuda reste surtout un des premiers en Espagne, à avoir évoqué son désir et à l'avoir écrit : « Un fleuve, un amour » en 1929 et surtout « Les plaisirs interdits » (1) en 1931 ne laissent aucune place à l'ambiguïté. On retrouve dans sa poésie, de façon récurrente, l'exil, son goût pour la solitude et des garçons trop jeunes dont il fait le cœur de longs poèmes désirables. On y retrouve aussi l'Espagne qu'il ne reverra jamais et dont il parle comme l'on tombe amoureux une fois, sans rémission.
Les marins sont les ailes, les ailes de l'amour,
Ils sont les miroirs de l'amour,
La mer les accompagne,
Et leurs yeux sont si blonds, comme l'est l'amour,
Blond aussi, de même que leurs yeux.
La joie toute vivace qu'ils versent dans les veines
Est blonde aussi
Telle la peau qu'ils laissent voir ;
Ne les laissez pas fuir parce qu'ils sourient
Comme la liberté sourit,
Eclat aveuglant dressé sur la mer.
Si un marin est mer,
Blonde mer amoureuse dont la présence est chant,
Je ne veux pas de la ville faite de rêves gris ;
C'est la mer que je veux pour me noyer,
Navire errant,
Corps errant, pour couler dans sa lumière blonde.
(1) « Les plaisirs interdits », Luis Cernuda, Zoraida Carandell, Presses Sorbonne Nouvelle, 108 pages, 2010, ISBN : 978-2878544701, p. 33