Babel des mers, René de Ceccatty
Harriet Norman est une vieille dame, anglaise, romancière. Elle a connu la gloire, l'oubli, la notoriété à nouveau. Elle regarde le monde, elle écrit.
Dans ce roman, il est question de la vieillesse, plus exactement de ce qu'est vieillir. Harriet Norman vit-elle réellement ses dernières aventures, a-t-elle vraiment rencontré ces jeunes hommes et ces jeunes femmes, lors d'une croisière au Japon ? Ces jeunes gens sur ce paquebot isolé ne sont peut-être qu'une de ses créations. Elle les fait naviguer sur sa mer mémoire.
Harriet n'a jamais édulcoré sa vie qui est cette force vive où se déchirent les passions, se greffent les espoirs, se consument, fragiles, les jours. Quel plaisir pour elle, d'écouter, de voler la vie des autres, de percer l'apparence, de veiller, au soir de l'existence, pour capter le moindre indice du mystère de vivre !
Harriet est celle qui prolonge en mots les états furtifs et les rencontres inabouties. Elle est celle qui emprunte aux autres le sang qui la tient allègre.
Adrian, Olivier, Georgina aiment, se confient. Les garçons sont homosexuels, Georgina aime un homme impossible. Harriet mesure la précarité de leurs passions, se souvient et sait par cœur le temps réduit de l'amour qu'on imagine éternel.
Les voix de ces jeunes gens permettent à Harriet, la romancière, de vivre sa vie avec toute l'ambiguïté des romans, des traquenards et des roueries des écrivains qui donnent plus de vie réelle que le lecteur n'oserait le faire.
Harriet est une femme heureuse car sans attente du bonheur. Elle ne tend ses bras à personne. Elle permet à chacun de devenir des personnages superbes de solitude.
■ Babel des mers, René de Ceccatty, Editions Gallimard, 324 pages, 1986, ISBN : 978-2070707355
Du même auteur : Une fin - L'extrémité du monde - L'or et la poussière - Esther - L'étoile rubis - La princesse qui aimait les chenilles - Violette Leduc, éloge de la bâtarde