Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Porporino ou les mystères de Naples, Dominique Fernandez

Publié le par Jean-Yves Alt

« Porporino », plonge dans l'univers des castrats et retrace l'histoire de la plus belle voix de San Donato.

Porporino se déplace avec la désinvolture des élus mais aussi avec l'espèce de lassitude de ceux qui doivent se soumettre à une discipline supérieure pour accéder à un statut unique.

Ce castrat de ce XVIIIe siècle baroque idyllique éprouve une félicité inconnue et du haut de sa supériorité esthétique (sa voix) ; il savoure les répercussions sociales et le pouvoir subversif de son état.

Porporino prophétise avec autorité : « Qui sait si un jour on n'aura pas du mal à distinguer dans la rue les garçons et les filles ? »

Emblème d'un système nouveau de valeurs sexuelles, le castrat analyse avec finesse les véritables retombées métaphysiques dont il est l'annonciateur : « N'est-il pas permis d'être ceci, cela et autre chose encore ? »

Porporino ou les mystères de Naples, Dominique Fernandez

C'est alors un vivant plaidoyer en faveur de la différence, un ironique défi à la raison que propose Porporino : « Qui donc possède comme nous une vie double, des possibilités doubles ? Ni d'un sexe ni de l'autre c'est-à-dire des deux sexes à la fois. N'est-ce pas merveilleux ? Deux fois plus d'aventures, deux fois plus de plaisirs. Le monde entier à nous. »

Le castrat jouit d'une chance inouïe et incite toujours à la démultiplication des pouvoirs (de séduction, de création), à l'infini des possibilités et des combinaisons amoureuses.

Le castrat, cette parodie d'ange venu des cieux, clame haut et fort la force d'opposition qu'il représente : « Toi, Porporino, tu acceptes l'âge, le sexe, comme des définitions qui signifient quelque chose ? »

Cette exaltation du mélange, c'est aussi le refus du renoncement : le garçon doit se séparer de la fille qui cohabite en lui, le jeune homme doit se séparer du bébé qu'il est encore... Nous accumulons en nous les petites trahisons envers l'autre moitié de nous-même pour acquérir en face du monde une identité qui nous pose en nous mutilant.

Porporino manifeste son insoumission à ce renoncement en refusant de trancher : c'est aussi la forme de félicité qui lui est promise : « Toi tu n'atteindras jamais à la maturité ; le temps de ta vie humaine ne sera pas disjoint du temps infini de l'univers, qui ne connaît ni âge, ni degré, ni évolution, ni épanouissement. »

■ Porporino ou les mystères de Naples, Dominique Fernandez, Editions Grasset, 1974, ISBN : 978-2246001706


Du même auteur : L'amour - Signor Giovanni - Jérémie ! Jérémie ! - La gloire du paria - L’étoile rose - Eisenstein - L'école du Sud - Dans la main de l'ange - Porfirio et Constance - Porporino, les mystères de Naples

Commenter cet article