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Xavier et Alexandre de Philippe de Condey (2014)

Publié le par Jean-Yves Alt

un roman gay homoromance MXM

Mai 1968. Alors que la capitale s'agite, que les mœurs se libèrent, que l'on prône de faire l'amour, pas la guerre, la France rurale reste embourbée dans les tabous. La nouvelle ère tant espérée se fera longtemps attendre...

À travers la relation unissant Xavier Perrin, abbé de Monboivert, et un jeune homme en réinsertion, de sept ans son cadet, Alexandre Drot, ce sont quarante années de non-dits, d'humiliations, de combats, mais aussi de victoires que retrace Philippe de Condey.

L'écriture de ce roman n'est pas directement investigatrice, elle s'arrête à décrire précisément et parfaitement la surface des choses. Si les lieux sont détaillés avec la précision du géographe, les visages sont à peine esquissés. Ce qui laisse aux lecteurs de multiples interprétations. Les personnages ne prennent une réelle consistance psychologique qu'à travers ce qu'ils expriment ou taisent. Le pari de Philippe de Condey d'écrire une fresque sociale saisissante sur le droit à l'amour homosexuel est gagné.

Glisser de la banalité au drame, sans gros éclats, dans le continu d'une écriture avec une voix mesurée, celle de Xavier où coulent en même temps la joie et l'angoisse d'exister.

■ Xavier et Alexandre de Philippe De Condey (Philippe Leider dit), éditeur Société des écrivains, 174 pages, 4 juillet 2014, 9782342024821

Xavier et Alexandre de Philippe de Condey (2014)

Interview de l'auteur par Jean-Yves Alt

--- « Xavier et Alexandre » est votre premier roman. Aviez-vous depuis longtemps un désir d'écriture ?

Oui ! en fait, ma mère a beaucoup écrit, mon grand-père également, sans avoir jamais publié. Je m’étais dit qu’à la retraite, j’écrirais un roman que je ne pensais même pas publier. Je l’ai lu à André Baudry qui l’a trouvé bien et c’est cela qui m’a donné l’idée de chercher un éditeur.

--- Pourquoi avoir choisi de faire le portrait d'un prêtre homosexuel qui abandonne ses vœux ?

Avant d’être écrivain, je suis avant tout un spécialiste de l’art lyrique ! Mon compositeur préféré est Massenet qui a toujours confronté le Devoir à l’amour charnel ! Quoi de mieux qu’un prêtre pour ce rôle ? (songez à l’abbé Des Grieux, à Thaïs et Athanaël !) L’idée du roman est partie du chapitre III : un prêtre exemplaire, jeune et totalement seul qui voit un soir d’orage arriver chez lui un jeune homme sublime et perdu. Il veut faire son devoir de prêtre en lui portant secours et rejette le flot de désir qui l’envahit tout à coup au moment où il est le plus vulnérable (chapitre II). Il fait tout pour résister, mais Alexandre vient le rejoindre dans sa chambre… J’aurais pu en faire une simple nouvelle mais j’ai eu l’idée, pour développer le sujet, de parler de l’évolution des mentalités sur l’homosexualité à partir de mai 68 et aussi parler de l’Angleterre qui est un pays que j’adore !

--- De quels personnages de votre roman, vous sentez-vous le plus proche (Xavier, Alexandre, le comte de Monboivert, l'instituteur Monsieur Govert, le Lord anglais, etc.) ?

Xavier, bien évidemment ! Mais je comptais écrire une « suite » intitulée « Le Comte de Monboivert » qui aurait parlé de la bisexualité refoulée…

--- Votre roman présente plusieurs dimensions : amoureuse, militante, sociale, artistique. Laquelle estimez-vous avoir mise en avant dans « Xavier et Alexandre » ?

La dimension amoureuse. Je voulais avant tout écrire un roman d’amour homosexuel, amour allant bien au-delà du sexe. Le titre n’est pas anodin. Les hétérosexuels ont Roméo et Juliette, Tristan et Iseult etc… Cela dit, mon côté militant transparaît également ainsi que mon amour de l’Art.

--- A la lecture de votre roman, on devine que pour Xavier, il y a une «vraie homosexualité». A quelle homosexualité Xavier parle-t-il ?

Je ne pense pas avoir prêté à Xavier le moindre avis sur la question. (Ajout de l'auteur par la suite : Il est vrai que le comportement efféminé [plus du tout à la mode] de certains homosexuels peut déranger les homosexuels virils car il renforce la caricature. Cela dit, ce qui me dérange le plus ce sont ces milliers, que dis-je, ces millions d'hommes mariés qui hantent les lieux de drague et les sites de rencontre afin d'assouvir leurs refoulements et surtout, pour chercher des hommes leur faisant ce que leur bonne femme ne veut pas faire ! Mais attention, surtout, ils ne sont pas pédés !...)

--- Vous écrivez page 95 « La spécificité du couple homosexuel n'est-elle pas une certaine liberté au niveau du sexe, n'entachant en rien la relation d'amour ». Cette phrase est-elle là pour préparer le lecteur à une infidélité de Xavier dans votre roman ou est-ce une réflexion que vous, personnellement, appliquez aux homosexuels en général ?

Je l’applique aux homosexuels en général, ces derniers n’ayant pas à singer le couple hétérosexuel.

--- Êtes-vous un moraliste ? Si oui, comment concevez-vous ce rôle ? Votre roman présente-t-il une morale et si oui laquelle ?

Je ne suis pas un moraliste. Je déteste ce mot, la plupart d’entre eux étant avant tout des hypocrites. Or, les deux choses que je déteste le plus ici bas sont l’hypocrisie et la vulgarité. Je pense que vous avez remarqué combien j’ai souligné l’hypocrisie de l’Eglise et des politiques…

--- Votre roman retrace une petite partie d'histoire de la parole homosexuelle... Pourquoi avoir parlé des émeutes de Stonewall, du Pacs et non pas du sida ?

Parce que le sida n’était pas connu à l’époque du roman et que, d’autre part, on en a assez parlé ensuite, l’associant régulièrement à l’homosexualité. En revanche, je voulais mettre en relief l’attitude ignoble, scandaleuse, inique des politiques de droite, entre autre, et des propos orduriers qui ont été proférés à l’Assemble Nationale. On ne peut pas pardonner une telle attitude ! Ces gens-là devraient être condamnés pour injures et être emprisonnés ou internés dans des hôpitaux spécialisés.

--- Il y a des scènes érotiques dans votre livre. Qu'est-ce que ces scènes expriment à vos yeux ?

La sensualité.

--- Un regret dans votre roman finalisé ?

J'aurais dû préciser que la soirée des Dossiers de l'Ecran sur l'homosexualité (avec en première partie le film de Jean Delannoy « Les amitiés particulières ») du 21 janvier 1975 a été fondamentale dans l'évolution des mentalités concernant l'homosexualité. Il y a eu 19 MILLIONS de téléspectateurs ce soir-là et l'on ne parlait que de ça le lendemain. Mon plus grand regret est d'avoir oublié de mentionner ce nombre faramineux de gens devant leur poste, en note de bas de page. Bien sûr, il n'y avait que 2 ou 3 chaînes à l'époque, mais le chiffre est plus qu'impressionnant. Songez qu'aujourd'hui, quand il y a 4 millions de téléspectateurs un soir, on crie "Victoire !" Donc, cette soirée a été un fait marquant dans l'histoire homosexuelle française. Bien sûr, on n'en parle plus, les jeunes ignorent totalement cette soirée, étant persuadés que c'est la gay-pride qui a fait avancer les choses... il est bon, parfois de remettre les pendules à l'heure !

--- Vous dédicacez votre roman à André Baudry. Qu'est-ce qui vous a le plus touché chez lui ?

André Baudry est l’homme le plus extraordinaire que j’ai rencontré dans ma vie, et je ne suis pas le seul à le dire. Je lui dois tout : mon compagnon, mon bonheur, mon équilibre. C’est son anniversaire aujourd’hui (31 août 2017), pourtant je ne l’appellerai pas, car je connais ses souffrances physiques et que sais que pour lui, avoir vécu 95 ans n’est pas une bénédiction, mais une mort à petit feu. Je suis extrêmement fier d’être le seul arcadien « de base » à être en relation avec lui, et j’ai eu le bonheur d’aller le voir en Italie en 2005, alors que sa santé était meilleure qu’aujourd’hui. Cet homme s’est battu à une époque où l’homosexualité était bannie et considérée comme une tare, une maladie, une perversion. Il s’est battu, a connu des procès, etc… Et aujourd’hui, le monde homosexuel l’ignore ou le méprise ! C’est tout simplement répugnant !

--- Vous avez collaboré à la revue Arcadie qu'il a présidée jusqu'en 1982. On retrouve justement dans votre livre des références à cette revue. Pourquoi avez-vous tenu à cette référence ?

Parce qu’Acadie a tenu une place prépondérante dans l’histoire de la France homosexuelle des années 50, 60, 70 à une époque où il ne suffisait pas de défiler avec des plumes dans le cul pour se faire entendre !

--- « Arcadie » a-t-elle d'autres héritiers spirituels dans la littérature aujourd'hui ?

Je ne sais pas.

--- Peut-on dire que vos expériences à « Arcadie » ont développé votre goût de la dissension ?

Oui

--- Votre roman est-il aussi un hommage à un auteur dont vous appréciez les écrits ? Lequel et pourquoi?

Non

-- La littérature vous permet-elle d'exprimer des situations personnelles ? Assumez-vous ici une part autobiographique ?

Je dirais plutôt des situations romanesques auxquelles je suis sensible. Il n’y a rien d’autobiographique dans ce roman, même si je me suis inspiré de gens de ma connaissance, notamment pour les personnages secondaires. Ceci dit, je n’ai jamais été prêtre, et je n’ai jamais fait de la prison ! (à noter que le « passé » d’Alexandre me vient d’une histoire qu’André Baudry a vécue et qui l’a marqué également beaucoup, puisqu’il en avait écrit une pièce de théâtre appelée « Le Procureur ») C’est bien entendu avec son accord que j’ai rapporté cette histoire dans mon roman. J’en profite pour dire que chaque fois que j’avais besoin d’un renseignement sur une date ou un fait, il me suffisait de lui téléphoner, sa mémoire prodigieuse n’a d’égale que sa vivacité d’esprit !

--- Le fait d'être « militant de la cause homosexuelle » vous a-t-il aidé à composer vos personnages ?

Bien sûr !

--- Considérez-vous « Xavier et Alexandre » comme un « roman gay »?

Oui

--- Avez-vous écrit en songeant au lectorat homo ?

Oui ! j’ai malheureusement été bien mal récompensé ! Les Associations gay de la France entière (Montpellier et M. Autin en tête) m’ont superbement ignoré, pour ne pas dire plus... Idem de certains sites internet qui ont refusé d’en faire la moindre publicité. Est-ce parce que cela parlait d’Arcadie ou d’histoire de religion ?... Paradoxalement, c’est le milieu hétérosexuel qui m’a adressé le plus de félicitations ! Une cousine (par alliance) alsacienne l’a fait lire à la moitié de son village, en disant très fière : c’est mon cousin qui l’a écrit ! Je pourrais multiplier les exemples hétéros ! Heureusement, j’ai quand même reçu des critiques laudatives de lecteurs homosexuels !

--- Lisez-vous des écrivains gays contemporains ? Lesquels et pourquoi ?

Parfois ! j’aime beaucoup Philippe Besson ! Je lui avais adressé un exemplaire de mon roman par l’intermédiaire de son éditeur. Je n’ai pas eu de réponse et ne sais pas s’il l’a reçu. Je n’ai pas eu d’accusé de réception. En revanche, j’en ai reçu un de Christine Taubira qui a tant fait pour faire passer la loi sur le mariage et à qui je tenais à rendre hommage en lui adressant mon livre et mes remerciements. Cela dit, il y a beaucoup de mauvais livres traitant du sujet et c’est pareil pour les films, ce qui n’empêche pas quelques chefs-d’œuvre comme « Maurice » pour n’en citer qu’un !

--- Avez-vous un autre projet d'écriture ?

Comme je l’ai écris plus haut, je pensais, non pas à une suite, mais à une sorte de « tiroir » racontant la vie du comte de Monboivert, personnage beaucoup plus complexe qu’il n’y parait dans « Xavier et Alexandre ». Le peu d’impact de mon premier roman ne m’incite guère à l’écrire ou, si je me décide un jour, je ne le publierai pas ! Actuellement, je préfère me consacrer à mes conférences qui me rapportent quelques subsides et beaucoup de satisfaction, alors que mon livre m’a coûté beaucoup d’argent et pas mal de déceptions concernant le milieu homo.

--- Merci.


Livre disponible sur le site de l’éditeur, aux Mots à la Bouche, sur Amazon.

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