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Décès d'André Baudry, fondateur de la revue Arcadie

Publié le par Jean-Yves Alt

 

 

André Baudry, au Congrès national du Mouvement homophile de France, à Marseille, le 22 novembre 1975

André Baudry, au Congrès national du Mouvement homophile de France, à Marseille, le 22 novembre 1975

Quelques articles de la revue Arcadie publiés sur ce blog.

Lire dans les commentaires l'article d'Anne Chemin publié dans le quotidien Le Monde

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J
André Baudry, le fondateur de la revue « Arcadie », est mort<br /> Grand défenseur de la dignité des homosexuels, le philosophe français fonda, en 1954, la revue pionnière, puis le club, afin de lutter contre les discriminations et l’isolement des gays.<br /> La figure d’André Baudry, mort le 1er février, à l’âge de 95 ans, restera à jamais associée à une revue et un club de l’après-guerre, Arcadie. Créé à une époque où ceux que l’on appelait les « invertis » étaient encore condamnés à l’opprobre et à la clandestinité, Arcadie fut le premier mouvement homosexuel français. André Baudry en fut le fondateur et le directeur. « Arcadie a été créée par Baudry, dirigée par Baudry et dissoute par Baudry », résumait en 2002 son ancien bras droit, Michel Duchein, dans Arcadie, La vie homosexuelle en France, de l’après-guerre à la dépénalisation, de l’historien anglais Julian Jackson (Autrement, 2009).<br /> « Nous voulons apporter un réconfort, une PRÉSENCE », écrit André Baudry dans une lettre à Marguerite Yourcenar.<br /> Né en 1922, André Baudry grandit dans une famille bourgeoise jusqu’à la mort de sa mère, en 1930. Son père l’envoie alors en pension, en Bretagne, dans un collège de jésuites où il reste jusqu’à 17 ans. Le jeune homme se destine à la prêtrise mais, selon Julian Jackson, il quitte le séminaire « après une tentative malhabile de séduction » de son directeur de conscience. Après la guerre, André Baudry, qui devient professeur de philosophie dans un établissement jésuite de Paris, rencontre deux hommes de lettres qui le font entrer dans le monde homosexuel parisien : Roger Peyrefitte et André du Dognon de Pomerait.<br /> En 1954, André Baudry lance une revue « littéraire et scientifique » baptisée Arcadie en référence à une région grecque. Dans une lettre destinée en 1954 à Marguerite Yourcenar, il dit vouloir s’adresser à « tous les isolés, à tous les abandonnés et à tous les malheureux en province ». « Nous voulons apporter un réconfort, une PRÉSENCE. » Dans le premier numéro, on trouve un dessin de Cocteau, un texte de Roger Peyrefitte, un article sur l’« homophilie » en Italie, des poèmes de Catulle, Michel-Ange ou Walt Whitman ainsi qu’une bibliographie des romans à thème homosexuels publiés depuis 1940.<br /> « Savoir scientifique et historique »<br /> Au fil de ses publications, la revue réunit une vaste documentation sur l’histoire et la culture homosexuelles. Elle crée une « galerie d’ancêtres », qui va de Rimbaud à Verlaine en passant par Oscar Wilde, Tchaïkovski ou Louis II de Bavière, mais elle s’intéresse aussi aux travaux scientifiques sur l’homosexualité de Sigmund Freud, Carl Jung ou Alfred Kinsey. « L’accumulation de savoir scientifique et historique s’adresse d’abord aux lecteurs homosexuels d’Arcadie, pour les aider intellectuellement à se laver de la poix de l’ordre moral, mais elle vise également le monde extérieur », écrit Julian Jackson.<br /> Parce que la société française de ces années d’après-guerre condamne les homosexuels au silence, à la détresse, à la honte et aux rencontres furtives dans les vespasiennes, André Baudry décide, en 1957, de créer un club officiel mais discret où les « homophiles », selon son expression, pourront trouver des informations sur la syphilis, danser entre hommes ou assister à des spectacles poétiques. Les abonnés d’Arcadie – 1 500 à ses débuts, 30 000 dans les années 1970 – peuvent y partager la « part secrète (d’eux-mêmes) étouffée sous le poids des tabous sociaux », selon le mot d’un adhérent.<br /> Ni meetings, ni banderoles, ni protestations publiques<br /> Le club est étroitement surveillé par la préfecture de police mais André Baudry, qui abhorre l’excentricité et les manifestations de rue, est un gardien sourcilleux de la bienséance : le club, qui n’admet aucun mineur, respecte « les règles élémentaires de bonne conduite », selon Julian Jackson. André Baudry défend sans relâche la dignité des homosexuels mais il ne veut ni meetings, ni banderoles, ni protestations publiques. « Arcadie n’offre aucune lecture politique de la situation de l’homosexualité en France », constate l’historien. André Baudry rêve d’éduquer les élites – pas d’inventer un mouvement social qui militera en faveur d’un changement de législation.<br /> Le club ne survivra pas à la tourmente libertaire des années 1970. Pour les mouvements d’émancipation gays exubérants et radicaux nés dans le sillage de mai 1968, Arcadie apparaît comme un mouvement bourgeois, prude et moralisateur. En 1982, alors que le garde des sceaux, Robert Badinter, fait abroger la loi de 1942 interdisant les actes « impudiques ou contre nature avec un individu de son sexe, mineur de 21 ans », André Baudry décide de mettre fin à l’aventure d’Arcadie et part s’exiler à Naples. C’est dans cette ville qu’il vient de mourir.<br /> André Baudry en quatre dates :<br /> 31 août 1922 Naissance à Rethondes (Oise)<br /> 1954 Lancement de la revue « Arcadie »<br /> 1982 Fermeture de la revue et du club<br /> 1er février 2018 Mort à Naples (Italie)<br /> Le Monde, Anne Chemin, 10 février 2018<br /> http://abonnes.lemonde.fr/disparitions/article/2018/02/07/andre-baudry-le-fondateur-de-la-revue-arcadie-est-mort_5253297_3382.html?xtmc=baudry&xtcr=1
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