Calendriers, Robert Vigneau (2020)

« Déshabillez-le » proclame de nos jours les calendriers pour la nouvelle année en présentant des hommes plus ou moins dénudés. Ce que ne renierait sans doute pas le routier le plus beauf s'il s'agissait de femmes à poil à la place des mecs qui s'y trouvent.

Dans son florilège nommé « Calendriers », Robert Vigneau se met à nu avec les mots. Le résultat est très différent des photographies proposées, en ce début d'année, dans les commerces.

Marie est la fille de l'auteur, celle qui lui a permis, qui lui a fait explorer le domaine temporel alors qu'elle découvrait les mois de l'année. Robert Vigneau reprit dès lors cette idée de calendriers qu'il mêla au sel de sa propre terre comme celui de « ton aisselle et ce désir qu'il instilla au bord des lèvres où ruissellent les folies de… » (p. 16), entrecoupé de ce qui pourrait paraître de l'anecdotique : cette tasse que tendit la tante de son ami un jour de ramadan (p. 98), « ce bonheur des rhumes » où son père faisait « semblant de verser du rhum » dans son thé (p. 34), « cette eau, vraiment : de vie de feu, – si justement appelée douce » (p. 21)…

Quant à Félix et Lucie, ces visiteurs venus d'on ne sait où, ils déambulent, tout au long de ses calendriers : le premier servant de la « roquette aphrodisiaque, à ce qu'on dit, au déjeuner de ses conquêtes pour leurs exploits d'après-midi » tandis que la seconde posait « sur la tablée son glorieux lapin en gelée coiffé de lauriers en couronne ! » (p. 102)

Robert Vigneau a offert pendant 31 ans, à ses amis, à ses proches, un calendrier, sous forme d'un petit carnet coloré, chacun écrit en douze quatrains, pour leur rappeler qu'ils étaient toujours dans ses pensées. Il livrait aussi, de cette façon, peu à peu, une part de son intimité. Le livre publié cette année reprend ses 31 calendriers.

Dans ses lieux, Robert Vigneau déchiffre les inscriptions de sa « caverne » du temps, où il furète, interroge, se laisse porter, écoute... À la recherche de quoi, dans quelle rêverie ? Aux lecteurs de le retrouver à partir de sa propre expérience.

Ceux qui auront la chance de découvrir ces calendriers s'immergeront d'emblée dans un univers qui, pour être parfois daté dans l'Histoire, n'en est pas moins proche par les résonances qu'il évoque au plus profond de nous-mêmes.

Robert Vigneau raconte, au long de ses pages qui se lisent dans un seul souffle, son enfance, son adolescence jusqu'à sa vie d'aujourd'hui. Le poète, né à Saint-Laurent-du-Var, n'est pas si différent de nombre de jeunes gens d'aujourd'hui, tant il est vrai que dans chaque génération, certains êtres sont marqués par les mêmes expériences. La plus belle aventure, celle de la formation intellectuelle et sensible de l'homme, se moque bien du calendrier réel.

Plutôt que de dérouler le fil de la vie de l'auteur dont je préfère vous laisser découvrir les multiples minuscules péripéties, je voudrais m'attacher à deux aspects essentiels et inséparables de l'existence de Robert Vigneau : la nourriture et l'amour. Sa jouissance semble naître d'une profonde connaissance des petits moments domestiques qui construisent au final son identité. Ses calendriers n'occultent rien de ses goûts : Robert Vigneau n'est pas préoccupé par l'unique dimension intemporelle. Ce nouveau recueil en donne la meilleure preuve. Toute complaisance en est absente où un homme dans sa maturité donne la parole à l'enfant qui n'a jamais cessé de vivre dans son cœur. Lucide sur sa vie et son devenir…

« Au repas de mes funérailles,

Que l'œuf d'où vient toute naissance

Soit sacrifié à vos ripailles

Pour célébrer ma délivrance ! » (p. 93)

La force du recueil de Robert Vigneau est qu'on y découvre paradoxalement la chance d'une vie sans calendrier où on pénétrerait pour concevoir des opportunités de se nourrir d'une existence foncièrement simple.

■ Calendriers, Robert Vigneau, Éditions La timbale, 132 pages, décembre 2019, ISBN : 950014412, 7€

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Du même auteur : Une vendange d'innocents – Planches d'anatomie d'innocents – Éros au potager (encres sur papier) – Ritournelles – Fariboles à l'école – Oraison

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Le site de Robert Vigneau