La découverte des cellules F de l’homosexualité masculine – Un épisode méconu de l’histoire des sciences dont Eugen Steinach fut le héros malheureux, Jean-Claude Féray
Rendu mondialement célèbre dans la décennie 1920 par une opération censée rajeunir l’homme, le savant autrichien Eugen Steinach (1861-1944) s’est aussi distingué par ses recherches en endocrinologie sexuelle. Si la plupart de ses travaux permirent ou confirmèrent de réelles avancées dans cette discipline, il s’y illustra aussi par une erreur aux conséquences malheureuses : la « découverte des cellules F » responsables de l’homosexualité masculine.
Qui, aujourd’hui, connaît Eugen Steinach ? Ce savant autrichien, plusieurs fois proposé pour le prix Nobel de médecine, a pourtant connu son heure de gloire autour des années 1920-1930. On lui doit des travaux très estimables en endocrinologie. On lui doit aussi, malheureusement, deux fourvoiements : une petite opération chirurgicale censée rajeunir le corps de l’homme ; et la « découverte » de Cellules F dans les testicules d’homosexuels. Une « découverte » qui intéressa beaucoup Magnus Hirschfeld, parce qu’elle permettait d’expliquer scientifiquement l’homosexualité masculine.
Au lendemain de la Grande Guerre, le monde savant apprenait avec étonnement qu’un homosexuel avait subi une métamorphose hétérosexuelle à la suite d’une castration bilatérale suivie de la greffe d’un testicule sain.
Le chirurgien urologue Robert Lichtenstern et l’endocrinologue Eugen Steinach qui annoncèrent cet exploit ouvrirent sans le savoir un épisode dramatique dans une controverse scientifique à tiroirs, connue sous le nom de querelle de la glande interstitielle. Leur essai chirurgical fut immédiatement suivi de cinq autres, aux résultats tout aussi prometteurs. Et un an à peine après le premier exploit, Eugène Steinach annonçait sa grande découverte, grâce à l’examen histologique des gonades des homosexuels castrés : l’existence de Cellules F. Spécifiques des testicules des homosexuels, voilà, enfin trouvées, les responsables de l’orientation de leur sexualité.
La querelle de la glande interstitielle, née après la découverte des savants français Ancel et Bouin, fut une dispute théorique qui dura une trentaine d’années.
L’épisode des cellules F de Steinach qui enthousiasma Magnus Hirschfeld ne dura que six ans, mais il comporta des applications pratiques malheureuses touchant la vie de plusieurs dizaines d’homosexuels.
Ce petit livre retrace l’histoire de la découverte des cellules F dans son contexte scientifique et social. Il permet aussi de comprendre pourquoi cet épisode malheureux fut très vite effacé de nos mémoires.
L’auteur, Jean-Claude Féray, a mené une grande partie de sa vie professionnelle comme ingénieur au sein de l’Inserm.
■ La découverte des cellules F de l’homosexualité masculine – Un épisode méconu de l’histoire des sciences dont Eugen Steinach fut le héros malheureux, Jean-Claude Féray, préface par l’historien des sciences Jean-Louis Fischer, Éditions Quintes-Feuilles, 87 pages, mai 2020, ISBN : 978-2955139981, 19€