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Cortège, Robert Vigneau (2020)

Publié le par Jean-Yves Alt

Un cortège dans le dictionnaire est d'abord défini comme est une "suite de personnes qui en accompagnent une autre pour lui faire honneur dans une cérémonie".

Pour moi, il évoque – même si ce n'est pas son seul sens, un convoi funèbre.

Robert Vigneau en donne un sens plus métaphorique, en exprimant les plus intimes et les plus insaisissables nuances des émotions : celles qu'on ressent à la naissance d'un enfant.

Robert Vigneau répète, à travers ces naissances, sa beauté du monde. Répète pour traverser l'apparence. Répète pour "ordonner" (non pas chronologiquement) le désordre du temps. Répète pour retenir un espace imaginaire qui pour lui est aussi un lieu réel de la vie.

De ce livre nourri de la chair, imbibé d'un plaisir toujours d'espérance à venir ; de ce livre dont le but n'est sans doute pas d'être sincère, ni exhaustif, ni lucide, ni historien, ni prophète, ni dieu, mais d'être en train d'élire une mémoire et de manifester une réalité.

La joie d'accueillir l'autre et d'être accueilli par lui.

Réalité, que, moi lecteur, j'ignore.

Cortège, Robert Vigneau (2020)

« Cortège » est le « livre » au sens décisif du mot, une œuvre comme on dit une œuvre de chair : il célèbre pour chacun des enfants comme pour le lecteur une seconde naissance avec innocence, refusant tout lyrisme par peur d'effaroucher chaque enfant né.

De la simplicité d'être soi. Directement soi. Il y a là un acte authentique.

Et l'enfance, mirage d'un l'absolu, comme une ardeur pour croire à l'incarnation de l'amour.

« Me voici tant étonnée / de voir tant d'amour au monde / s'agiter devant mon nez / que j'en suis pupilles rondes » (p. 53)

Ce livre est écrit dans les marges de l'écriture intime, là où le lecteur doit s'isoler dans le silence, où il n'entend plus que ce chant qui lui confirme sa vérité devant une naissance, sans oublier cette particulière douleur ouverte sur la joie d'un être qui apparaît.

« Comment s'ordonneront nos vies / si diverses dans l'accordance / des héritages asservis / aux fantaisies des existences » (p. 19)

« Ce sera mon regret demain, / ma petite déjà si grande, de n'avoir pas tenu ta main / vers les avenirs qui t'attendent. » (p. 50)

Précieux est donc ce recueil, dans le sens où il donne naissance à une sorte de carte du tendre.

Ma mère qui a 90 ans vient de le lire : quelques larmes ont coulé de ses yeux. Sans doute, est-ce là, la meilleure façon de "parler" de « Cortège ».

Cortège, Robert Vigneau, Éditions La Timbale, 64 pages, 2020, ISBN : 9782950014429, 7€


Du même auteur : Une vendange d'innocentsPlanches d'anatomie d'innocentsÉros au potager (encres sur papier)RitournellesFariboles à l'écoleOraisonCalendriers


Présentation de l'auteur : « Voici la publication des poèmes de circonstance, composés au fil du siècle, pour saluer une naissance ou quelque événement lié à l’enfance dans une famille aimée. L’ensemble ne suit aucun ordre chronologique.

L’idée était simple : quel cadeau personnel pouvais-je offrir au nouvel enfant ? Un bavoir ? Une sucette ? Ma foi, leurs parents amis appréciant le poète, le plus évident serait de composer quelque strophe pour saluer cette naissance.

L’honneur que j’en reçus : mon poème longuement encadré à leur chevet d’enfance ! »


Le site de Robert Vigneau

Robert Vigneau est décédé le 18 août 2022. Il aurait eu 89 ans hier 26 août.

LIre l'hommage de son ami Lionel Labosse sur son site altersexualite.com.

En homme prévoyant, Robert Vigneau a laissé cet émouvant message :  

"Pardonnez-moi de vous lâcher la main,

vifs compagnons de ferventes étreintes,

aimez, riez et dans vos lendemains

ma vie par vous ne sera pas éteinte ! "

Robert Vigneau 

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