Les marques de l'amour par Pascal Quignard
« Confier sa nudité, avouer son corps ensommeillé dans la nuit, confier son nom et raconter son secret, telles sont les quatre marques de l’amour. »
Pascal Quignard
« Confier sa nudité, avouer son corps ensommeillé dans la nuit, confier son nom et raconter son secret, telles sont les quatre marques de l’amour. »
Pascal Quignard
Louis Feyrières est un collégien de quatorze ans. Il est en classe de troisième et s'ennuie à l'école. Pour cette dernière année de collège, il doit effectuer un stage d'une semaine dans une entreprise.
Son copain Ludovic (à vrai dire, cette relation est plutôt asymétrique car si Ludovic apprécie Louis, il n'en va de même dans l'autre sens ; il faut dire que les deux adolescents sont bien différents : Ludovic est excellent élève et assez conformiste, Pierre pas du tout.) l'effectuera, grâce aux appuis de son père, dans une station de radio branchée. Louis s'en moque et quand sa grand-mère lui propose d'en parler à sa coiffeuse, il accepte sans enthousiasme. Pour lui, autant faire simple.
Le père, un chirurgien réputé (et qui tient à sa réputation) n'y voit pas de la même manière : coiffeur est un métier sans aucun avenir. Ludovic trouve cela ridicule et dit tout en tournant le poignet que les coiffeurs sont tous des « Michoubidou » (page 14)
Pourtant Louis va se plaire au salon "Maïté Coiffure" car pour la première fois, il va rencontrer des personnes qui croient en lui. Si bien que le stage terminé, il invente un mensonge incroyable (tous les enseignants du collège sont en grève) pour pouvoir continuer à aller au salon, la semaine suivante.
Là, il découvre les prémices de l'amour avec Clara ou peut-être tout simplement un sentiment d'empathie très fort vis-à-vis de cette jeune femme maltraitée par la vie et par son compagnon. Il subit aussi les assauts de Garance, l'apprentie, qui le trouve plus que mignon et qu'elle aimerait bien avoir comme amant. La timidité, la retenue de Louis fera croire à la jeune délurée qu'il est pédé.
Il y a aussi Fifi (Philippe Loisel), un jeune coiffeur homosexuel, qui excelle avec sa paire de ciseaux et qui est toujours de bonne humeur (on découvrira, petit à petit, sa vie, beaucoup moins rose qu'il ne l'affiche au salon : le garçon dont il a toujours été amoureux, Manfred, vient de mourir du sida - page 131) sans oublier la patronne Maïté, ne quittant jamais son comptoir (pour cause, elle est paraplégique depuis un accident de voiture où elle a perdu son fils - de l’âge de Louis - et son mari).
Louis, jusque-là introverti, va montrer des capacités à développer des sens créatifs les plus étonnants, à travers la décoration du magasin, une campagne publicitaire pour le salon "à sa façon", la coupe des cheveux (de sa petite sœur, de sa grand-mère, des poupées…) sans oublier une obstination à faire accepter à son entourage un projet - son tout premier - qui lui tient totalement à cœur.
Louis n'a aucun préjugé concernant Fifi et son homosexualité. Il voit en lui, un garçon prêt à l'aider et à le soutenir avec une totale empathie dans sa démarche.
A aucun moment, l'auteur ne s’appesantit sur les différences de chacun. Les personnages sont finement approchés par Marie-Aude Murail : chacun (de Louis à son père en passant par Maïté et Clara) étant - à la fois bouleversé et "réveillé" - par des sentiments qui montrent leur extrême fragilité. Il n'y a aucune lourdeur dans ce roman. Tous les personnages, très attachants, se découvrent au contact les uns des autres (comme dans la vie réelle), même quand cela passe par des paroles et/ou des actes douloureux et regrettés.
La réussite sociale de Louis dans les toutes dernières pages est à mon avis de trop : je comprends qu'elle réponde aux inquiétudes initiales du père mais elle gâche ce qui fait la profondeur de ce roman et par là-même, une part du plaisir qui en découlait.
Il reste que "Maïté Coiffure" est un très beau roman sur l'amour, le savoir-vivre et l'affirmation de soi.
■ Maïté coiffure, Marie-Aude Murail, Editions Ecole des Loisirs Médium, 2004, ISBN : 2211071791
Lire aussi la chronique de Lionel Labosse sur son site altersexualite.com
« Ils pensaient que j'étais une enfant demeurée. L'enfance et l'enfant ce n'est pas pareil. L'enfance est imposée par la société : devenir autre qu'enfant est un boulot dur, dur. Et parfois on ne vous aide pas. »
Juliette Gréco
Le Monde, 19 août 2005
Cavaliers en armures montés sur des chars tirés par de majestueux chevaux... Alexandre le Grand (ci-dessous) affronte Darius III, roi de Perse, dans un combat sanglant (bataille d’Issos). Cette célèbre mosaïque romaine va retrouver sa place originelle au cœur d'une maison de Pompéi. Enfin, pas tout à fait. Puisque c'est une copie réalisée selon les méthodes antiques qui ornera le dallage.
La version originale découverte dans les ruines en 1831 est, quant à elle, soigneusement conservée à Naples (Musée archéologique). Elle a en effet, par deux fois, échappé aux catastrophes naturelles : elle fut endommagée par le tremblement de terre de l'an 63 de Pompéi, et l'on s'occupait de la réparer lors de l'éruption du Vésuve de l'an 69.
Le combat d'Alexandre le Grand contre Darius III, roi de Perse
(Copie de la mosaïque composée de 3 millions de tesselles - 5,84 m x 3,17 m)
Cette mosaïque reconstituée sera désormais exposés aux yeux des visiteurs qui pourront ainsi appréhender la décoration des édifices antiques.
Lire aussi sur ce blog : Moi, Alexandre, roi de Macédoine, fils de Zeus et conquérant du monde de Pierre Forni
J'ai aimé ce livre de Christian Combaz que je viens de relire. Loin d'être rétrograde, il redonne à la dimension essentielle de l'homme, le temps et la mort, ses lettres de noblesse.
« Maigrir, rester jeune ! » Hier, un slogan publicitaire, aujourd'hui une manière de vivre qui s'érige en modèle. La vieillesse comme le sida est devenue une maladie honteuse, transmissible de proche en proche et dont il faut absolument préserver nos chères têtes blanches.
L'Ancien Monde est devenu vieux, cela explique peut-être la multiplication des livres qui ont pour objet le traitement médical ou social de l'âge, tous prônent peu ou prou la prévention de la vieillesse. Dans nos sociétés industrielles, les vieux commettent un double outrage à l'égard de l'économie, d'abord ils cessent d'être des citoyens actifs ce qu'on leur pardonnerait volontiers s'ils ne se livraient pas à pire : cesser d'être des consommateurs. Les vieux avaient pris cette fâcheuse habitude de vivre de peu et de s'écarter du monde sur la pointe des pieds, la situation devenait intolérable, fort heureusement des campagnes d'information bien menées persuadèrent un nombre croissant d'entre eux que leur vie n'était pas finie et qu'ils pouvaient encore en profiter jusqu'à leur dernier souffle. Les séries TV regorgent de beaux vieillards dynamiques et bronzés qui pratiquent pour rester dans "le coup" un régime sévère et un jogging régulier. S'interdire de sombrer trop tôt dans la décrépitude, soit, mais c'est une aberration de croire que rester dans le jeu en compagnie des jeunes serait un remède infaillible pour écarter la mort.
L'Eloge de l'âge, le livre de Christian Combaz est la voix de la dissidence, il s'oppose à l'opinion commune et prétend défendre le droit imprescriptible de l'homme à la vieillesse, il affirme enfin qu'il est moins important d'être en forme que d'être en paix. Pour l'auteur, il faut espérer sa vieillesse comme le point culminant de la vie et non chercher désespérément à en prévenir l'apparition comme s'il s'agissait d'une chute. En essayant de faire croire aux vieillards qu'ils sont encore jeunes, non seulement la société les dupe, mais les prive du droit de tirer des leçons, de chercher un sens à leur vieillesse et à leur mort. Si nous préférons nos vieux insouciants et superficiels, c'est que leur regard dérange car il s'y reflète la profondeur du néant. Refuser la vieillesse revient à avouer une peur pathétique de la mort, mais détourner les yeux ne retarde pas l'issue fatale. L'homme âgé doit vivre avec sa mort, s'habituer à elle, la domestiquer, c'est encore le meilleur moyen de ne plus la redouter.
La seule attitude digne face à l'échéance est celle qu'on adopte dans une salle d'attente quand on n'a pas le cœur à lire une revue. Elle consiste à regarder devant soi calmement. C'est à quoi ce livre invite.
■ Éloge de l'âge, Christian Combaz, Éditions Fayard, 2001, ISBN : 221360827X
Du même auteur : Constance D. - A ceux qu'on n'a pas aimés