Préparatifs de fuite, Lars Gustafsson (Nouvelles)
Lars Gustafsson prospecte scrupuleusement les recoins les plus cachés, les plus dérobés, les gouffres les plus insondables de l'âme. Les nouvelles, qui composent ce recueil, sont autant de regards lucides et attentifs portés sur les errances humaines.
Dans la plupart de ces nouvelles, les narrateurs se retrouvent immanquablement tiraillés entre leurs désirs de comprendre le fonctionnement du monde qui les entoure, le sens de leurs vies et la tentation d'un aveuglement consolateur, d'un abandon réconfortant.
Il en va ainsi dans une stupéfiante nouvelle qui donne le titre au recueil, « Préparatifs de fuite », où l'on assiste aux vaines tentatives fomentées par un homme qui veut s'enfuir d'un plat pays marécageux, d'un monde étrangement étouffant. Ces tentatives resteront à un état d'ingéniosité purement virtuel ; le narrateur, en renonçant, en détruisant ses moyens d'évasion, retrouvera sa sérénité.
Ces nouvelles s'attachent souvent à décrire la nostalgie des Suédois exilés aux États-Unis. Ce n'est pas un hasard si la plupart de ces émigrés enseignent aux étudiants du Nouveau Monde, les complexités des anciennes langues européennes. Ces hommes résolument tournés vers un passé immuable n'en ressentent que plus durement l'inanité de leurs vies déracinées. Ils s'en accommodent tant bien que mal, sauvegardant leur tranquillité au prix de renoncements quotidiens, comme le terne narrateur de cette nouvelle au titre tout à fait évocateur : « Ce qui ne nous tue pas a tendance à nous endurcir ».
Avec virtuosité, Lars Gustafsson – observant le comportement de ses personnages avec la rigueur d'un entomologiste – joue avec l'ironie d'un vocable tour à tour ésotérique, scientifique, ou linguistique : l'auteur amène ses lecteurs à partager ces vies incertaines, l'inquiétude quotidienne des hommes, leurs quêtes d'un absolu qui sans cesse se dérobe.
■ Éditions Presses de la Renaissance, 1998, ISBN : 2856164811