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L'invention de l'homosexualité par Michel Foucault

Publié le par Jean-Yves Alt

Selon Michel Foucault, l’homosexualité est une création institutionnelle récente puisqu’elle résulte du discours psychiatrique du XIXe siècle. Il offre ainsi aux mouvements gays et lesbiens un formidable argument de dépassement des inégalités, trop souvent perçues comme naturelles.

« Cette chasse nouvelle aux sexualités périphériques entraîne une incorporation des perversions et une spécification nouvelle des individus. La sodomie - celle des anciens droits, civil ou canonique - était un type d'actes interdits ; leur auteur n'en était que le sujet juridique. L’homosexuel du XIXe siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie ; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une physiologie mystérieuse. Rien de ce qu’il est au total n’échappe à sa sexualité. Partout en lui, elle est présente : sous-jacente à toutes ses conduites parce qu’elle en est le principe insidieux et indéfiniment actif ; inscrite sans pudeur sur son visage et sur son corps parce qu'elle est un secret qui se trahit toujours. Elle lui est consubstantielle, moins comme un péché d’habitude que comme une nature singulière.

Il ne faut pas oublier que la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l’homosexualité s’est constituée du jour où on l’a caractérisée – le fameux article de Westphal en 1870, sur les «sensations sexuelles contraires», peut valoir comme date de naissance - moins par un type de relations sexuelles que par une certaine qualité de la sensibilité sexuelle, une certaine manière d’intervertir en soi-même le masculin et le féminin. L’homosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu’elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d’androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l'âme. Le sodomite était un relaps, l'homosexuel est maintenant une espèce. »

Michel Foucault

Histoire de la sexualité de Michel Foucault, Tome 1 : la volonté de savoir, Gallimard, Collection : Bibliothèque des histoires, ISBN : 2070295893, 1976


Lire aussi sur ce blog :

Michel Foucault et la sexualité : du comportement sexuel comme enjeu moral (Histoire de la sexualité Tomes 2 & 3)

Michel Foucault et l'archéologie des plaisirs

Michel Foucault : une histoire de la problématisation des comportements sexuels

Herculine Barbin, dite Alexina B, présenté par Michel Foucault

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Homosexualité et création littéraire par Renaud Camus

Publié le par Jean-Yves Alt

Que l'écrivain homosexuel se trouve dans la situation paradoxale d'avoir à banaliser ce qu'il dépeint, s'il choisit de dépeindre la réalité homosexuelle. Car c'est d'un tel ennui, et si réducteur, d'avoir à être « homosexuel » ! Ce sont les autres qui nous imposent ce rôle, en faisant toute une histoire de nos désirs et de nos mœurs.

Que rien n'est ridicule comme le concept d'écrivain homosexuel, sauf peut-être ceux d'« écrivain catholique », « écrivain breton », « écrivain d'avant-garde ».

Renaud Camus

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La confusion de l'amour par Marcela Iacub

Publié le par Jean-Yves Alt

Un des traits les plus marquants, dit-on, de la révolution des mœurs est que les couples ne sont plus fondés sur les contraintes du mariage, ses corsets en dentelles et ses vertus hypocrites. Ils n'ont désormais qu'un seul instituteur : l'Amour. Roméo et Juliette représentent toute l'horreur d'un temps où les entraves externes empêchaient que l'amour donne ses fruits innocents ­ passé avec lequel nous aurions heureusement rompu. Depuis quelques années cependant, législateurs, intellectuels et braves gens s'inquiètent : ce règne des affinités électives, loin d'avoir permis la fondation d'unions plus stables et plus étroites, s'accompagne d'une extrême divortialité (presque la moitié des couples), avec les problèmes que cela pose lorsqu'ils ont des enfants en bas âge : résidences alternées impossibles, familles monoparentales, amorces d'exclusion sociale, contentieux interminables... Au mieux, on arrive à survivre comme couple parental, avec les limitations que cela implique pour la liberté de chacun.

Il est certain que, si l'idéal de la vie de couple persiste, il n'est plus garant d'aucune continuité ni d'aucune stabilité. Les pouvoirs publics, méfiants à l'égard de ce qu'on appelle la «contractualisation de la vie privée» (en témoigne la longue résistance à la réforme du divorce), sont tentés de réintroduire de l'institution, du non-négociable, de la contrainte. Mais ils le font désormais surtout par le biais de la filiation, en recentrant la construction d'unités familiales autour des femmes et en tendant à faire payer (littéralement) aux hommes l'instabilité des couples. Est-ce à dire que nous sommes condamnés à l'alternative que Balzac avait posée dans ses Mémoires de deux jeunes mariées : mourir d'ennui ou mourir d'amour ? Il se peut qu'on s'égare en posant ainsi le problème, comme s'il s'agissait de trouver enfin le bon fondement pour l'organisation juridique des couples. Peut-être le problème est-il ailleurs, en amont, et plus précisément dans la manière dont on a institutionnalisé la sexualité, et dans le malentendu inévitable qu'elle implique sur le sens du mot «amour» lui-même.

Un philosophe du XIXe siècle, qu'on ne lit décidément pas assez, Charles Fourier, avait beaucoup réfléchi à cette question. Il pensait, en substance, que notre civilisation était victime d'une confusion entre la sexualité et l'amour. Il regrettait qu'un sentiment si raffiné soit galvaudé et perverti par la déconsidération et le mépris dont les plaisirs sexuels étaient l'objet. Ceux-ci, tenus pour dégoûtants par notre civilisation dès qu'ils se présentent à l'état brut, sont forcés à se sublimer et à se racheter par le sentiment amoureux, qui devient ainsi la monnaie d'échange de cet obscur trafic. Pure justification de nos pulsions sexuelles, l'amour n'a jamais la possibilité de s'affirmer pour lui-même, de se complexifier et de se stabiliser, de croître au lieu de diminuer avec le temps. «Nos savants, écrit Fourier dans le "Nouveau Monde amoureux", ont traité l'amour matériel comme un torrent dont on essayerait de barrer le lit sous prétexte qu'il est dévastateur.» Le résultat est que cette entrave produit beaucoup plus de ravages que ceux qu'on voulait éviter, puisque la sexualité est devenue à la fois omniprésente et cachée, et qu'on a «réduit le sentimental en vil esclave qui n'intervient que pour servir de masque».

Vous serez peut-être tentés de rétorquer que ces astucieuses remarques ne sont plus valables aujourd'hui, notre révolution des moeurs ayant précisément «libéré la sexualité». Voilà bien l'erreur qui obstrue notre approche des questions familiales. Car nos politiques sexuelles sont bien plus en continuité avec celles du temps de Fourier que nous ne l'imaginons. Au fond, la libération de la sexualité a signifié surtout un changement dans les termes du rachat. Si elle se monnayait jadis contre le mariage, elle le fait aujourd'hui contre un sentimentalisme pauvre et éphémère que nous prenons pour notre «vérité» et notre «authenticité». On cherche à protéger la société des ravages imaginaires qu'une sexualité sans âme produirait. On valorise celle qui est susceptible de produire du lien social, d'ouvrir à un projet concubinaire, de nous révéler notre moi profond. Mieux, voulant en finir avec la hiérarchie entre les enfants «légitimes» et «naturels» ou «adultérins», on a admis que tous les enfants naissent non des unions légales mais du coït, confondant ainsi le projet parental avec une attirance sexuelle qui en ressort comme plus énigmatique, plus profonde, plus spirituelle. On nous laisse penser que tout le reste est dangereux, proche du crime, hanté par toutes sortes de dominations et d'oppressions.  

Ce faisant, on a rendu ces relations amoureuses aussi instables et incertaines que l'attirance sexuelle même dont on se méfie tant. On n'a donné aucune chance à l'amour. On ne sait toujours pas ce qu'il peut. On le confond avec une passion niaise, confuse, et pour tout dire trouble. Si on avait réussi à séparer le sexe des sentiments, comme on l'a fait avec la procréation, nous aurions peut-être non seulement une sexualité plus joyeuse, mais aussi des couples fondés sur quelque chose de plus que les sentiments : le projet merveilleux et improbable de construire ensemble «une vie».

Libération, Marcela Iacub, mardi 26 avril 2005

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Allemagne : De Magnus Hirschfeld à Adolf Hitler

Publié le par Jean-Yves Alt

En 1897, le célèbre docteur Magnus Hirschfeld avait fondé le Comité Humanitaire et Scientifique, dans le but de poursuivre des recherches en sexologie et d'assurer une aide aux homosexuels poursuivis par les tribunaux. En 1919, après la chute de l'Empire, il fit construire, à Berlin, un Institut de Recherche Sexuelle, aussitôt baptisé Institut Hirschfeld et reconnu d'utilité publique par l'état, en 1924.

Lieu de recherches, grâce à la bibliothèque unique au monde par l'importance de ses ouvrages sur la sexualité, l'Institut assurait également la publication de travaux scientifiques. Il provoqua la naissance du Mouvement pour la Réforme Sexuelle qui incluait dans son programme les questions de l'égalité sexuelle, de l'avortement et de la contraception, et la non-pénalisation des rapports homosexuels, de l'égalité des enfants légitimes et illégitimes, de l'information sexuelle et de la prévention des maladies sexuellement transmissibles...

Dessein audacieux pour l'époque, qui recueillit un succès certain. Le Comité devait rédiger ensuite une pétition, adressée au Parlement, en vue de l'abrogation du Paragraphe 175 discriminatoire à l'encontre des homosexuels et qui fut signée, jusqu'en 1929, par plus de 6.000 personnalités dont Albert Einstein, Heinrich et Thomas Mann, Martin Buber...

Parallèlement aux activités de l'Institut Hirschfeld (ci-contre) et du Comité Humanitaire et Scientifique, d'autres organisations homosexuelles comme la Ligue pour les Droits de l'Homme (Il semble que cette ligue se soit repliée, après 1933, à Zurich, et qu'elle ait fusionné en 1937 avec un groupe homophile suisse, «L'Etendard de l'Amitié». L'histoire du mouvement homosexuel suisse reste encore méconnue) assuraient la cohésion du mouvement homosexuel. Organisation de masse, la Ligue, créée en 1923, regroupait près de 48.000 homosexuels en 1929. À l'opposé du Comité Humanitaire, tout en se situant sur le terrain juridique, elle réclamait la légalisation des rapports homosexuels après 18 ans et non 16 ans, mais aussi la pénalisation de la prostitution masculine. D'ailleurs, c'est sur le terrain juridique qu'à partir de 1923 le Comité Hirschfeld et la Ligue travaillèrent ensemble dans un Comité d'Action pour l'abrogation du Paragraphe 175. Mais les trop nombreuses contradictions entre les deux organisations ne firent que s'aggraver.

Tragédies en série

Jusqu'en 1933, la presse homosexuelle était diffusée librement dans le pays. Elle était plutôt florissante à en juger par le nombre des titres. Certains des journaux étaient les porte-paroles directs des organisations de défense, d'autres s'adressaient à un public plus intéressé par la littérature et les spectacles.

De 1918 à 1933, plus de trente périodiques différents furent imprimés et les journaux les plus connus étaient : Der Eigene, Das Blatt, Die Freundschaft. Adolf Brand et Friedrich Radszuweit en étaient les éditeurs célèbres pendant cette période faste.

Mais, dès le 30 janvier 1933, date de l'accession de Hitler au poste de Chancelier du Reich, les événements prirent une couleur tragique. Début mars 33, toute la presse d'opposition, ainsi que toute la presse homosexuelle, fut interdite. Le 12 avril, les étudiants nazis, aidés par les SA, organisèrent le premier autodafé des livres de Magnus Hirschfeld (ci-contre) et de l'Institut, place de l'Opéra de Berlin. Les Sections d'Assaut de Röhm saccagèrent et incendièrent l'Institut Hirschfeld en mai. Par la suite, les autodafés de livres jugés dangereux et «contre l'esprit allemand» se multiplièrent. Les œuvres de Proust, Gide, Wilde, Musil, Klaus Mann, Hirschfeld et de bien d'autres encore furent interdites et considérées comme «dégénérées». Parmi les écrivains allemands ainsi mis à l'index, certains comme Ernst Weiss et Klaus Mann avaient déjà choisi l'exil et se suicidèrent. Hirschfeld avait quitté l'Allemagne en 1930 définitivement et mourut en 1935 à Nice, d'autres moururent «à temps», enfin des centaines d'autres tels Erich Mühsam et Kurt Hiller finirent leur vie dans les camps de concentration.

Dachau ouvrit ses portes le 22 mars 1933. Situé à une vingtaine de kilomètres de Munich, le camp était prévu au départ pour recevoir 5.000 fonctionnaires communistes et socialistes mais, très rapidement, on y envoya les premiers triangles roses. Kurt Hiller, conseiller juridique et un des responsables du Comité Humanitaire et Scientifique, fut envoyé au KZ de Sachsenhausen en mars, pour «homosexualité».

Le rappel de cette chronologie démontre-t-il, que dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la déportation des triangles roses fut un acte politique ? (et que les homosexuels seraient alors à considérer comme des déportés politiques et ce, au même titre que les opposants au régime nazi dont 1 million se trouvaient toujours en camp de concentration en 1939, à la veille de la deuxième guerre mondiale.)

Le mouvement homosexuel, sous la République de Weimar, était un mouvement de masse. Ce furent, sans doute, ses profondes contradictions, voire même ses failles, qui précipitèrent sa disparition si rapide. Le fossé idéologique entre le Comité Humanitaire et Scientifique de Hirschfeld et la Ligue des Droits de l'Homme reflétait une rupture grandissante entre une avant-garde intellectuelle et la majorité des homosexuels. D'autant que cette avant-garde s'épuisait à force de défendre toujours la même théorie (qui fait sourire aujourd'hui) dite « du troisième sexe ».

Comment les nazis, qui conquirent le pouvoir dans la légalité démocratique, lors des élections au Reichstag du 5 mars 1933, ont-ils pu mettre en place, aussi méthodiquement, tout un appareil idéologique pour faire admettre que les homosexuels, au même titre que d'autres catégories de citoyens, étaient devenus du jour au lendemain la «lèpre sociale» qu'il fallait éliminer au plus vite ?

Cela confirme-t-il que les homosexuels sont d'abord à considérer comme des opposants «politiques» et non de simples condamnés de droits communs ? Pendant toute la République de Weimar, Magnus Hirschfeld a dû subir les attaques des étudiants nationaux-socialistes au cours des conférences publiques qu'il donnait dans les universités et les lycées au titre de conseiller du ministère de la Santé. Dès 1923, il fut violemment agressé à Vienne lors d'une conférence. Juif homosexuel, et appartenant à la gauche allemande, Hirschfeld incarnait le repoussoir idéal pour exciter la haine des jeunes nazis, fanatisés par les mots d'ordre d'Hitler.

La presse nazie, grâce au Völkischer Beobachter [L'Observateur Populaire, quotidien dont Hitler était rédacteur en chef, et qui faisait paraître deux éditions dès 1928, une pour Munich et la Bavière, l'autre pour le reste de l'Allemagne], jouait un rôle considérable dans le conditionnement idéologique du peuple allemand. On pouvait y lire le compte rendu de tous les scandales et affaires de mœurs qui éclaboussaient la vie politique de cette période en procédant toujours à l'amalgame «homosexualité, marxisme, et traîtrise juive».

Tout était bon pour salir les adversaires politiques et montrer aux Allemands le degré de dégénérescence des politiciens sous la République de Weimar, incapables de gouverner un pays ruiné économiquement et devant subir une domination humiliante depuis la défaite de 1918.

Il faut reconnaître aussi que l'amalgame a été également utilisé par les partis de gauche et par le parti social-démocrate pour dénoncer l'homosexualité et la corruption des SA (Les SA : « Sturmabteilung » ou Sections d'Assaut véritable organisation para-militaire des «chemises brunes», dirigée par Ernst Röhm, qui assura, de 1922 à 1933, le service d'ordre lors des manifestations nazies ou se chargea des provocations politiques : saccages, incendies et des arrestations) en particulier.

En tout cas, le doute n'était plus permis dès 1930 dans l'opinion, car le programme politique d'Hitler réclamait la stérilisation systématique des homosexuels allemands.

La liquidation des Sections d'Assaut

L'affaire Röhm va permettre de prouver le bien fondé des théories nazies sur le fléau homosexuel. Déclenchée par les révélations du Münchner Post, journal du Parti social-démocrate, elle va servir de catalyseur à la réaction homophobe. Röhm, compagnon d'Hitler des premières années, avait été accusé d'homosexualité par un national-socialiste repenti (Münchner Post du 14 janvier 1931). L'homosexualité de Röhm était connue dans les rangs des SA. Mais au moment des révélations du Münchner Post, les nazis furent obligés de réagir violemment afin de rassurer l'opinion allemande. Un an plus tard, Hitler fit assassiner Röhm, devenu son rival politique, durant la Nuit des Longs Couteaux. Hitler s'était ainsi débarrassé des SA, en faisant d'une pierre deux coups : donner l'impression d'avoir éliminé le «chancre homosexuel», et liquider son adversaire le plus tenace.

L'assassinat de Röhm fut le prélude à la déportation massive des triangles roses. Deux chiffres suffisent à dire l'ampleur du désastre pour les homosexuels allemands : avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, le nombre de ceux qui furent traduits devant les tribunaux, pour homosexualité, passa de 2.252 condamnations en 1931, à 24.447 entre 1937 et 1939.


Lire aussi sur ce blog : Les homosexuels de Berlin du Dr Magnus Hirschfeld

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Un film parlé de Manoel de Oliveira (2002)

Publié le par Jean-Yves Alt

Synopsis : Rosa Maria, professeur d'histoire à l'université de Lisbonne, effectue avec sa fille Maria Joana une croisière en Méditerranée. Elle doit retrouver son mari à Bombay, d'où ils partiront en vacances. Le bateau s'arrête dans différentes villes ; Rosa Maria découvre des lieux qu'elle connaît à travers les livres, qu'elle évoque dans ses cours mais qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de visiter.

Lors de cette croisière, Rosa Maria rencontre trois femmes et un homme qui vont beaucoup l'impressionner : une Française, femme d'affaires renommée, une Italienne, ancien modèle célèbre, une Grecque, actrice et professeur de chant et surtout le capitaine du navire, un Américain d'origine polonaise.

Délicieux et malicieux Manoel de Oliveira qui nous convie à un film « parlé », comme si le cinéma avait oublié sa propre langue, et par là même ses origines. Au cinéaste portugais de nous rappeler d'où nous venons, au fil d'une croisière qui part de Lisbonne pour nous entraîner, le long des côtes méditerranéennes, vers les hauts lieux de la civilisation occidentale. Voyage pédagogique en compagnie d'une enseignante qui d'étape en étape dispense à sa curieuse petite-fille des leçons d'histoire. Mais aussi voyage vers un lieu idéal symbolisé par la table du capitaine du paquebot, un Américain d'origine polonaise. Là, autour du maître des lieux, une Française, une Grecque et une Italienne se comprennent parfaitement tout en devisant chacune dans sa langue maternelle.

On voit ainsi que Manoel de Oliveira appelle de ses vœux une Europe à la fois riche de son passé et ouverte à l'autre. Il le fait avec cette légèreté et cet esprit qu'on lui connaît, avant qu'une bombe ne coule le bateau dans les eaux du golfe Persique. Après l'utopie, la réalité.

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