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Mon regard sur le « saint Sébastien » de l'église de Joinville-en-Vallage (Haute-Marne)

Publié le par Jean-Yves Alt

Un corps d'athlète tout pétri d'une substance lumineuse, gracieusement déhanché, percé de flèches, est comme abandonné dans une singulière agonie. Sa chair est dense et résistante. Est-il possible de mourir avec tant de grâce ?

Paradoxalement la souffrance est là – toute présente – dans son regard au bord des larmes. Une contraction des muscles de la bouche laisse deviner non pas un râle mais un murmure pour dire la douleur. Si le plaisir accompagnait la mort, il ne resterait qu'à agoniser, percé de flèches...

Sébastien s'est débattu. Les liens sont légèrement détendus. Sa vie n'est plus menacée : les deux enfants-putti vont lui annoncer sa délivrance. Son visage de peine n'est là que pour rappeler, aux hommes, sa souffrance endurée.

L'entrée en scène de Dieu – par l'intermédiaire des angelots – opère un déplacement. Ce ne sont plus les flèches qui vont retenir l'attention. Sébastien ne regarde pas les fidèles présents dans l'église. Il est avec Dieu qui lui permet de prendre en charge sa situation. Il est un autre Christ en croix.

Si la mort rôde derrière Sébastien, elle ne réussit pas à s'infiltrer en lui. Le voile de soie rose semble la chasser comme dans un mouvement de la main pour éloigner un insecte.

Anonyme – Saint Sébastien – Eglise de Joinville-en-Vallage (52)

Huile sur toile – XVIIe

Le miracle est là, dans cette étoffe légère. Mais le peintre a choisi de ne pas montrer ce moment du salut tout proche. Les flèches n'auront bientôt plus qu’un effet décoratif. La douleur est sur le point de le quitter. Et avec, la promesse d'un nouvel avenir possible. Sur terre ou dans les cieux.

C'est cela l'incroyable, cela l'inespéré : suggérer l'expérience bouleversante d'accueillir en soi une nouvelle vie.

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Les médecins maudits de Christian Bernadac ou « Je ne veux plus voir de roses dans les camps ! »

Publié le par Jean-Yves Alt

Le prince roumain Georgiu R... portait sur son corps plusieurs centaines de tatouages. Plus qu'un tableau, une grande exposition érotique.

- Chaque scène a été croquée sur place, dans tous les ports du vieux et du nouveau monde, j'ai relevé moi-même les dessins.

La Kommandeuse n'eut jamais connaissance de cette collection unique, le prince roumain était interné à Dachau sur ordre d'Himmler. Homosexuel, ses liaisons amoureuses dans les milieux nationaux-socialistes provoquèrent la colère du Reichführer. Himmler […] avait voulu sauver les prostituées de leur déchéance, il s'attaqua, en même temps, aux déportés qui affichaient sur leur pyjama rayé le triangle rose de l'infamie. Il réunit les chefs de l'inspection des camps et leur déclara :

- Je ne veux plus voir de roses dans les camps.

Et il leur raconta l'aventure du prince roumain, dossiers médicaux à l'appui.

Himmler avait envoyé le prince à Dachau car il pensait que le dur labeur et les conditions pénibles de l'existence dans un camp de concentration, contribueraient à sa guérison rapide (1).

Le prince, personnage influent de Munich, ne pouvait tout de même pas être traité comme un vulgaire Juif. Le commandant se déplace en personne pour le recevoir :

- Vous allez bien aller à la douche ?

Le prince éclate en sanglots. Évidemment, il ne désire pas que des profanes feuillètent son album vivant.

Le médecin l'examine et rédige son rapport à Himmler.

- La place de cet homme qui avoue lui-même éprouver depuis son adolescence des désirs sexuels immodérés qu'il n'arrive pas à satisfaire n'est pas dans un camp de concentration mais dans une maison de santé.

En attendant la décision d'Himmler, il est attaché à son lit ; le lendemain il s'écroule lorsqu'on veut lui faire pousser un wagon. Il mourra deux jours plus tard d'ennui. : C'est un mal qui ne se guérit pas, Himmler prend les choses en main.

Himmler se penche longuement sur ce cas, dépêche à Dachau des médecins, des professeurs d'université, réclame rapports sur rapports. Et comme chaque spécialiste lui confie : C'est un mal qui ne se guérit pas, Himmler prend les choses en main.

- Le Reichsführer (2) organisa à Ravensbrück des stages de guérison. Un certain nombre d'homosexuels qui n'avaient pas donné de preuves définitives de leur renonciation au vice, furent appelés à travailler avec des filles et soumis à une observation très stricte. On avait donné aux filles l'ordre de se rapprocher, sans avoir l'air, de ces hommes et d'exercer sur eux leurs charmes sexuels. Ceux qui s'étaient vraiment améliorés (avant le stage, devant les brimades, les menaces) profitèrent de l'occasion sans se faire prier ; quant aux incurables ils ne gratifiaient pas les femmes d'un seul regard. Si celles-ci se montraient trop provocantes, ils s'en détournaient avec dégoût et horreur.

Le stage se terminait par une ultime épreuve : les guéris étaient laissés seuls en présence de malades. S'ils succombaient tout était à recommencer.

Himmler qualifia ces stages de demi-échec et chercha une solution plus radicale. Il la trouva en la personne d'un commandant SS danois, le docteur Vernaet qui avait inventé une méthode infaillible pour guérir l'homosexualité. Il demandait l'autorisation respectueuse d'expérimenter dans un camp ayant appris que cela se faisait. Himmler bondit sur l'occasion et lui ouvrit les barbelés de Buchenwald.

Le docteur Vernaet sélectionna quinze cobayes désespérément invertis. Ils demandèrent au docteur Horn, un détenu, de leur expliquer ce qui devait leur arriver...

- Ils étaient très effrayés, ils tremblaient comme des feuilles. Je leur dis qu'il s'agissait d'une hormone mâle qu'on allait leur implanter et que ce ne serait pas dangereux.

Le docteur Vernaet, comme Rascher, désirait monnayer sa préparation. Il proposa à Himmler :

- Nous pourrions vendre cette invention à l'étranger au marché noir pour obtenir des devises. Nous pourrions la promettre à des espions en récompense d'informations utiles (3).

Himmler haussa les épaules et lui conseilla d'expérimenter ses hormones avant de rêver éveillé.

La pile Vernaet devait être implantée dans l'aine ou sous la peau des patients. Sur les quinze opérés, deux moururent et aucun ne guérit...

(1) Rudolf Hoess : Le commandant d'Auschwitz parle, Éditions Julliard, 1959

(2) Rudolf Hoess : ouvrage cité

(3) Déclaration du docteur Poppendick, Nuremberg

■ in Les médecins maudits, Christian Bernadac, Éditions France-Empire, 1967, pages 129 à 132 (ou Éditions Pocket, 1977, ISBN : 2266004506, pages 97 à 99)

 

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Le chien mangeur de cheveux, Jean Dubuffet

Publié le par Jean-Yves Alt

C'est un ogre, Dubuffet. Il est gourmand de poésie, de musique, de peinture.

C'est le Barbe Bleue de la Tradition.

Il prend des végétaux, des ailes de papillons, des morceaux de sol, d'écorce, du goudron, du sable, du gravier et en un tour de pinceau ou de ciseaux, il sort de sa tête un chien, mangeur de cheveux.

Le chien mangeur de cheveux, Jean Dubuffet, 1943

Huile sur toile, 51cm x 65 cm

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Je ne veux pas qu'on sache, Josette Chicheportiche

Publié le par Jean-Yves Alt

Ce serait presque une banale histoire de séparation de leurs parents que Théo, 12 ans, et sa petite sœur Lola vont vivre dans ce roman, si ce n'était le motif : leur père, Gilles, est homosexuel. Il a rencontré un homme et tous deux s'aiment.

C'est indirectement que Théo apprend le motif de la séparation de ses parents ; il a entendu ses grands-parents paternels en parler : « Et la prochaine fois que je croise le Maire, [...] je lui dis [...] : ça fait longtemps que Gilles n'est pas venu, [...] il est pédé maintenant. » (p.56)

Au départ, Théo a besoin de se rassurer, de se dire qu'aux yeux des autres, son père à l'air normal, un « père et ses deux enfants » (p.74) Le jeune garçon va se placer dans une position d'évitement face à son père ; il sera largement aidé pour cela – inconsciemment – par sa petite sœur qui réclame tant d'attention.

Quand il a appris que son père était pédé, Théo a repensé à cet homme « en pantalon de cuir et débardeur qui parlait fort en faisant de grands gestes avec ses main. » (p.58)

Théo ne veut surtout pas qu'« on le sache », c'est pourquoi il n'a pas même confié cette donnée à son meilleur ami Tom. Quand ce dernier apprend la vérité, il en prend ombrage et s'éloigne de Théo. Cette position est intéressante dans ce moment du récit car là le narrateur essentiellement omniscient se tait : le lecteur ne sait pas si la rupture entre les deux jeunes garçons est motivée par l'homosexualité du père ou par le silence de Théo, perçu comme trahison par Tom.

La nouvelle ne tarde pas alors de faire le tour du collège. Théo doit alors faire face à de très nombreuses moqueries.

Alice, la mère de Théo ne cerne pas immédiatement – tant elle est effondrée – la souffrance de son fils et les questions qu'il se pose. Pourtant, peu à peu, elle arrive à trouver les mots justes pour faire comprendre la singularité de chacun, à partir d'une métaphore sensible :

« Non, toutes les eaux [ne] se ressemblent [pas]. Chaque eau provient d'une source et chaque source est différente. [Ton père] est différent des pères de tes copains [...], tu auras beau déchirer les étiquettes [comme celle que Théo arrache sur la bouteille placée en face de lui] » (pp.118-119)

Ce roman montre, en accéléré, sur près de deux années, la transformation d'un jeune garçon face aux choix de vie de son père.

Le lecteur ne suit pas Théo au quotidien dans toutes ses interrogations, ses tergiversations, ses réponses, ses comportements. Théo a la chance d'avoir un professeur qui sait l'écouter et le rassurer notamment sur son propre devenir :

« Il n'y a pas de fatalité Théo. Ce n'est pas parce que son père ou son frère est homosexuel qu'on l'est soi-même. L'attirance que l'on éprouve pour un être lorsqu'elle est sincère n'est pas dictée par la morale, la société, la mode ou que sais-je encore. Elle ne répond qu'à la loi du cœur. » (p.147)

Un petit roman indispensable pour tous les jeunes – garçons et filles – qui n'ont pas la chance de rencontrer un professeur, comme celui de Théo.

■ Je ne veux pas qu'on sache, Josette Chicheportiche, Éditions Pocket Jeunesse, avril 2007, ISBN : 9782266168687


Lire aussi la chronique de Lionel Labosse sur son site altersexualite.com

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Avis de recherches, un film de Stanley R. Jaffe (1983)

Publié le par Jean-Yves Alt

Le mélodrame est souvent considéré avec un certain mépris car il exploiterait et flatterait les instincts prétendus primaires du public : les vallées de larmes seraient incompatibles avec la raison.

Dans Avis de recherches, un enfant, Alex Selky (Daniel Brian Corkill), est au cœur du drame, puisque c'est une histoire d'enlèvement que raconte Stanley R. Jaffe.

Le début de l'histoire est laborieux : les petites choses de la vie quotidienne qui tournent autour de la jeune mère divorcée Susan (Kate Nelligan), de son fils Alex et du chien ne parviennent guère à remplir l'écran. Puis on voit le jeune garçon dire au revoir à sa maman, s'éloigner avec son petit cartable, regarder à gauche, regarder à droite, traverser la rue, se retourner et lancer un dernier signe de la main, disparaître enfin derrière un pâté de maisons…

L'engrenage qui mène lentement à l'oppression et aux larmes met ensuite en action ses dents cruelles.

Pauvre Susan qui ne voit pas son fils rentrer de l'école !

Pauvre Susan qui apprend qu'Alex n'a même pas été vu à l'école ce jour !

Pauvre Graham Selky (David Dukes) qui demeure malgré tout le père de l'enfant (il est divorcé) et sur qui pèsent les premiers soupçons de l'inspecteur Menetti (Judd Hirsh).

Le suspense commence ; chacun peut s'identifier à la mère habitée à la fois par l'angoisse et le fol espoir... Le temps passe et l'inspecteur Menetti, qui n'a pas inventé la poudre, patauge…

Le jeune homme qui fait le ménage chez Susan et chez qui l'on peut déceler un comportement efféminé un peu stéréotypé est soudain accusé du rapt, et même du meurtre d'Alex. Il a été retrouvé à son domicile, parmi diverses preuves de ses mauvaises mœurs, un slip taché de sang appartenant au garçon disparu.

La mère, Susan, est pourtant la première convaincue de l'innocence du pauvre Philippe (Keith McDermott) qui passe en quelques instants du statut de sale pédé à celui de martyr.

Stanley R. Jaffe va crescendo pour accentuer le côté mélodramatique de cette histoire, qui fonctionne à merveille.

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