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Un amour impossible dans la littérature par Henry-Marx [1923]

Publié le par Jean-Yves Alt

Ryls, mon bien aimé,

Je veux mourir. Je ne sais plus vivre. N'accuse rien, ni personne, et ne m'accable pas trop sous ta peine. La vie me rejette.

Des êtres comme moi, dès qu'ils sont conscients dans leur oisiveté inutile, ne peuvent plus exister. Le travail d'autrui me lapide. La vie me juge et me condamne. Je veux mourir. Je perdrai mon corps dans la montagne ou dans la mer, un jour prochain. Je veux disparaître et n'être pas défiguré en toi. J'ai réfléchi. Je ne peux pas vivre sans être ce que je suis qui m'est, à présent, insupportable. J'appartiens à une espèce d'hommes qui me survivra peu. La vie, c'est l'honneur de vivre ; c'est la conscience organisée. Tout ce qui n'est pas cela ne vivra pas. Je le sais. Tu as illuminé mes ténèbres et je meurs dans la vérité. Et je veux qu'on le sache.

Ne laisse pas dire que je ne valais rien et que ma mort ne tue pas grand' chose ; mais fais comprendre qu'on ne naît pas ainsi à ce qu'on doit être ; il y faut une dynastie d'âmes dont on ne sait pas celle qui régnera. Ce sont tes mots admirables.

Voilà bien des nuits que je me prépare ; mais je ne peux pas me séparer de toi. Je t'aime d'un amour inattendu. Tu es de toutes mes minutes, et pourtant, j'ai discerné, là aussi, une fin lamentable.

L'amour… Je voudrais que tu confesses, un jour, les émotions sans nombre. Tu es un amant qui a bien mérité de l'amour. Mais quoi ? Il faut vieillir ; il faut renoncer à ses grâces, et douter du don de soi que l'on fait à quelqu'un ; il faut arriver à cet âge sensé de l'amant qui ne doit plus se donner parce qu'il ne peut plus réjouir. Devenir un amant déchu qui vit de l'indulgence et de la gratitude des autres… Devenir ça, Ryls, un jour, et savoir, d'avance, qu'on se permettra sa déchéance et qu'on lui trouvera des charmes… Je te le dis pour te désespérer à mon niveau, pour que ma mort te soit moins lourde.

Je termine, mon aimé. Je ne peux plus penser, ce soir. Ton nom sera sur mes lèvres jusqu'à ma fin. Là où je serai, au bord de ma mort, je tendrai vers toi, je te promets, mon visage que tu aimes pour te le donner à jamais.

Didier

■ in « Ryls, un amour hors la loi », un roman écrit par Henry-Marx en 1923, Librairie Ollendorff, pp.180-182

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