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Homos footballeurs, la grande omerta par Solen Cherrier

Publié le par Jean-Yves Alt

Les joueurs de football se mobilisent régulièrement contre le racisme, pour des oeuvres caritatives. L'homophobie reste, en revanche, un sujet tabou, voire une attitude fréquente dans le milieu, qu'il soit professionnel ou amateur. Malgré les actions d'associations comme le Paris Football Gay, la cause peine à mobiliser, alors que les discriminations sexuelles sont fréquentes.

En 2004, des militants protestaient contre l'homophobie affichée au Parc des Princes. Depuis, le PSG s'est engagé à leurs côtés.

Plus qu'un tabou, une omerta. L'homosexualité chez les footballeurs reste un sujet très sensible, au point d'être totalement niée. Pas un seul joueur professionnel encore en activité n'a confessé de préférence sexuelle pour les hommes. Parce qu'il n'y en a pas ? Certains le pensent encore. Il y a deux ans, au cours d'une émission de télévision, David Ginola assurait: «Je n'ai jamais croisé quelqu'un du côté obscur de la force au cours de ma carrière.» Il n'est pas le seul à vivre dans cette certitude. Des travaux - menés à l'université Lyon-I par le sociologue Philippe Liotard - auprès de sportifs le montrent. Les hommes interrogés estiment «impensable» qu'un de leurs coéquipiers soit homosexuel. Pis, si cela s'avérait, ils ne pourraient plus jouer avec lui. Preuve que le sport reste un vrai bastion homophobe. Le football en premier lieu, avec ses paradoxes (des joueurs idoles métrosexuelles) et ses ambiguïtés (l'homosociabilité au sein d'un groupe).

« Cette négation est révélatrice d'un malaise, commente Philippe Liotard. Comme si le sport pouvait échapper aux statistiques démographiques. » Il y a entre 5% et 10% de gays dans la société : pourquoi n'y en aurait-il pas dans le milieu du foot ? L'homosexualité est juste tue. Vécue comme une maladie honteuse, une grande souffrance propagée par des rumeurs plus ou moins fondées. Récemment, Andrew Walmsley et Corny Littman, respectivement présidents des clubs de Stonewall (Angleterre) et Sankt Pauli (Allemagne), réputés pour leur engagement en faveur de la cause gay, ont pensé faire bouger les choses en déclarant qu'ils connaissaient des homos dans les clubs de l'élite de leurs pays et dans les sélections nationales. Walmsley ajoutait aussi : «Mais faire son coming-out n'est pas envisageable.»

[…] Dans l'histoire du foot, trois cas sont recensés. Deux ont fini en tragédie. Heinz Bonn, modeste défenseur allemand de Hambourg dans les années 1970, a très mal vécu son homosexualité, non révélée mais de notoriété publique. Après avoir noyé son mal-être dans l'alcool, il a été retrouvé assassiné par un prostitué le 5 décembre 1991 dans son appartement de Hanovre. Plus célèbre, l'international espoir anglais Justin Fashanu a vendu ses confessions au News of the World pour 80.000 livres (118.300 euros) en 1990 alors que, fait unique, il était encore en activité. Rejet du milieu et exil aux Etats-Unis. Le 2 mai 1998, il a été retrouvé pendu après avoir été accusé d'abus sur mineur. Il y a deux ans, l'Uruguayen Wilson Oliver a fait son coming-out dans la revue espagnole Gay Barcelona. Il avait dû arrêter sa carrière car il ne supportait plus la marginalisation et la discrimination. On peut aussi citer l'arbitre international néerlandais John Blankenstein, militant engagé, écarté de la Coupe du Monde 1990, selon lui pour avoir été aperçu dans un bar homo.

Forcément, ces exemples n'encouragent pas les candidats à la grande révélation. «Pour faire son coming-out, il faut être très fort. Seul un joueur du calibre de Zidane peut le faire. Et encore, ça ferait des vagues.», glisse Pascal Brèthes, président du Paris Foot Gay (PFG). […]

Chronique de l'homophobie ordinaire. Elle débute dès le plus jeune âge au son de la rengaine : «On n'est pas des pédés.» Et sévit au moins autant chez les amateurs. Yoann Lemaire joue au FC Chooz (DH), dans les Ardennes. Début 2006, il décide de révéler son homosexualité à ses coéquipiers afin d'apaiser sa conscience et ses nerfs. Elle semble acceptée au début (le club est même devenu partenaire du PFG). Avant qu'il ne vive rapidement un cauchemar: insultes des adversaires, indifférence arbitrale et mise à l'écart muant progressivement en mise à pied. «Je me suis planté. C'est une catastrophe. Jamais je ne conseillerai à un joueur de foot de révéler son homosexualité. Je comprends que les pros ne veuillent pas le faire. C'est le meilleur moyen de briser sa carrière et de faire fuir les sponsors. Je ne suis même pas sûr que ça puisse avoir un effet positif. Parce que si ça se passe mal pour le joueur, ça se retournera contre tous les homos.»

Eric Verdier, psychologue psychothérapeute qui travaille sur l'identité masculine, estime ainsi que «l'engagement d'hétéros nettoyés de leur homophobie jusqu'à semer le doute, comme Vikash Dhorasoo, fera davantage avancer les choses.» […]

Du côté de la Ligue et de la Fédération, c'est pourtant silence radio […]

Le Journal du Dimanche (Extraits), Solen CHERRIER, dimanche 17 juin 2007


Lire aussi : L'homosexualité est davantage assumée par les sportives de haut niveau que par les hommes - Femmes sportives, corps désirables par Catherine Louveau - Homo Sportivus - Sophia Aram : on est footballeurs, pas des pédés

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