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Malédiction, une nouvelle de Tennessee Williams

Publié le par Jean-Yves Alt

« Quand un petit homme cherche, angoissé, un endroit où vivre dans une ville inconnue, il se Trouve brusquement privé des défenses que le savoir dresse contre les emprises de la magie. [...] Il regarde moins les maisons que les maisons ne le regardent. »

Ainsi commence cette courte nouvelle - trente pages - qui cherche à nous faire partager le destin tragique de Lucio, un ouvrier qui supporte de moins en moins son travail à l'usine et d'une chatte Nitchevo qui, sous la plume de Tennessee Williams, est bien le centre du récit.

Innocente, Nitchevo, incarne l'idéal de pureté qui fascine tant l'auteur. Le monde dans lequel il vit est illustré par l'opposition entre la logeuse - maîtresse occasionnelle de Lucio - et la chatte qui partage, elle, son existence.

A mesure qu'on avance, tout s'accélère. Le destin accomplit son œuvre. Lucio perd son travail et sa logeuse le congédie. Nitchevo, sans logis, disparaît. Lucio la retrouve enfin blessée à mort. A l'image d'un certain bonheur succède le désespoir.

« Ils disparurent l'un et l'autre dans la rivière, loin de la ville, comme la fumée que le vent emporte loin des cheminées. »

Lucio n'avait pas voulu lui survivre.

Tennessee Williams a mis dans ses nouvelles tellement de lui-même qu'il s'agit presque d'une autobiographie transposée et fragmentaire. Sa sensibilité exacerbée donne de son univers une vision poétique. Mais on sent derrière les personnages la réalité de leur malaise ou de leurs douleurs. Presque tous sont aussi désarmés dans la vie que Williams a pu l'être. Tous sont aussi seuls, aussi fragiles. Leur vraisemblance psychologique donne aux nouvelles un relief inattendu. L'écriture est si juste, les émotions si profondes que le plaisir de la lecture est pratiquement constant.

■ in "Le boxeur manchot", Editions 10/18, 1996, ISBN : 2264004045, (pages 49 à 80)


Lire aussi sur ce blog :

- Le masseur noir

- La nuit où l'on prit un iguane

- La statue mutilée

- Sucre d'orge

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