La légende de Seth et Horus
Une légende parle du dieu Seth, de son amour sexuel pour Horus et de sa tentative pour le violer. C'est un conte bizarre, ouvert à de nombreuses interprétations, et, comme presque tout ce dont nous disposons sur la sexualité des Égyptiens, il ne nous permet pas de nous faire une idée de l'image positive ou négative de l'amour homosexuel en Égypte ancienne. […]
Pour en revenir au mythe étrange de Seth et Horus : « Seth érigea son pénis et le plaça entre les fesses d'Horus... »
Seth était un dieu, frère d'Osiris qu'il avait tué, enfermé dans un cercueil et jeté dans le Nil. Horus était le fils d'Osiris, ce qui nous ramène aux relations pédérastiques oncle/neveu, mais ce mythe ne va pas au bout de cette logique : « ... car Horus mit la main entre ses fesses et y reçut la semence de Seth. Horus alla ensuite dire à sa mère, Isis : "Isis, ma mère, aide-moi. Viens voir ce que m'a fait Horus." Il ouvrit sa main et lui montra la semence de Seth. Poussant un cri, elle lui trancha la main et la jeta dans l'eau, lui confectionnant une autre main. »
L'acte de pénétration anale est déjoué, même si Seth croit avoir réussi, mais Isis est horrifiée à la vue de la semence de Seth et tranche la main de son fils, comme si c'était la main même qui était souillée. Seth est le seul dieu qui ne se soit jamais marié ni n'ait eu d'enfant. On se demande ce que sa semence pouvait avoir de si obscène ; la masturbation était bien acceptée – les dieux la pratiquaient : Min, dieu ithyphallique, autre avatar d'Horus, se masturbait –, tandis que la pénétration anale (hétéro et homosexuelle) était un sujet de conversation assez commun. Un texte funéraire des IXe et Xe dynasties consiste en des passages magiques à réciter après la mort ; l'un, faisant référence au dieu Atum, se vante du fait qu'il n'ait aucun pouvoir « sur moi, car je copule entre ses fesses ».
Mais l'étrangeté du mythe s'épaissit, car Seth s'en va voir les neuf dieux – l'Ennéade – et leur dit qu'il a fait le mâle avec Horus. À cette nouvelle, l'Ennéade hurle, rote et crache au visage d'Horus.
Horus, « le très très haut », que l'on identifie au pharaon vivant, dieu-État et successeur d'Osiris, se voit ici décrit comme une vulgaire femme, car il en a assumé la position lors d'un rapport sexuel. De toute évidence, les Égyptiens pensaient que les hommes dominaient les femmes et les rois leurs sujets. Mais quand Seth revendique le trône, Horus devient son esclave. Or Horus nie formellement avoir été violé par Seth, et l'Ennéade, pour arbitrer l'affaire, en appelle à la semence de Seth. Celle-ci répond des profondeurs du Nil où elle a été jetée, prouvant ainsi le mensonge de Seth. Mais ici encore survient un problème. Le mythe originel ne nous dit rien de la semence d'Horus quand il feignait d'être pénétré, mais il doit avoir éjaculé car son sperme rejaillit du front de Seth sous la forme d'un disque d'or dont un autre dieu, Thot, s'empare immédiatement pour se le poser sur la tête comme une parure.
Thot était le dieu de la sagesse et le scribe divin, inventeur des hiéroglyphes, le « seigneur des paroles sacrées ». Ses disciples se vantaient de pouvoir déchiffrer ses livres de magie traitant de la façon de commander aux forces de la nature et de soumettre les dieux eux-mêmes. Ils l'appelaient « trois fois grand », ce que les Grecs traduisirent par Hermès Trismégiste, source de la sagesse mystique de la littérature hermétique pendant la période gréco-romaine.
Ce disque d'or, qui peut-être provient d'une fellation, signifie-t-il que la semence d'Horus, en passant par le dieu qui incarne le mal, devient partie intégrante de la sagesse divine ? Cette histoire contient un code qui résiste à nos tentatives de lecture.
Colin Spencer
■ in Histoire de L'homosexualité de l'Antiquité à nos jours, éditions Le Pré aux Clercs, 1998, ISBN : 2842280342, pp.34-37 (extraits)