Elise et Marcel Jouhandeau…
Avant de devenir Madame Jouhandeau, Elise était Elisabeth Toulemon, danseuse de son état, et avait eu son heure de gloire avec le ballet d'Erik Satie, La belle excentrique, un titre qui convenait singulièrement à son étrange personnage.
En 1929, au moment de sa rencontre avec Marcel, elle est consciente d'avoir franchi une étape importante de sa vie. Dans son ouvrage Le spleen empanaché (1), elle écrit :
« Dès ce premier soir, je devinai obscurément mais sûrement que j'avais été jusque-là errante et que je venais d'être clouée ; qu'en cet homme qui surgissait devant moi sans faste, j'avais trouvé en même temps mon refuge et ma croix. »
Dans ce cri paraisse la gratitude spirituelle où se cache une subtile vindicte contre Marcel.
Entre Elise et Marcel, quarante ans durant, la vie commune n'a jamais cessé d'être un combat souvent, une fête quelquefois.
A les entendre un enfer, mais un enfer dont ils n'ont aucune envie de s'échapper. Faut-il voir en Elise une femme sacrifiée ou une castratrice ? Si l'on en croit Marcel aucun doute n'est permis ; sa femme veut l'humilier. Elle se plaît à lui faire renoncer à toutes ses illusions, l'une après l'autre, à le faire passer, devant ses amis ébahis, pour un misérable.
Chez Elise autre son de cloche :
« Songez que je fais tout ici, la cuisine, le ménage, la lessive... Ces caleçons que vous voyez sécher dans le jardin, c'est moi qui les ai lavés ce matin, ce sont ceux de M. Godeau ! [...] Je n'exagère rien en disant que je suis de la lignée des femmes qui ont nom Mme Oscar Wilde, Mme Verlaine. Seulement moi, il me reste assez de révolte pour témoigner. Je ne plie pas le genou... J'ai choisi d'être un exemple vivant aux côtés de Marcel Jouhandeau. Je lui ai édifié cette maison comme un temple. Ma conduite a toujours été exemplaire, il ne peut rien me reprocher. J'ai voulu être une sainte ! [...] En vérité, il souffre de ma grandeur. Son attitude est celle d'un homme honteux devant moi et peut-être devant lui-même. Mais il n'avouera rien... »
Elise est comme son mari un écrivain, et tout finit comme cela a commencé, par de la littérature.
(1) Elise Jouhandeau, Le spleen empanaché, éditions Flammarion, 1960