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Un garçon près de la rivière, Gore Vidal

Publié le par Jean-Yves Alt

Un garçon près de la rivière, roman pionnier de la littérature homosexuelle américaine, a été publié pour la première fois en 1948 (1), puis révisé ensuite par l'auteur.

Du point de vue sociologique, il faut bien constater qu’Un garçon près de la rivière ne présente plus guère aujourd’hui d’autre intérêt que symptomatique d'une certaine période et de la vision que l'on se faisait alors de l'homosexualité, de l'extérieur et de l'intérieur. Ce qui explique tout à la fois l'impact qu'a eu ce livre ; comme les résistances qu'il a suscitées et qui ont fait mettre longtemps son auteur à l'index.

Petite histoire de deux adolescents, Jim Willard et Bob Ford, beaux, sportifs, virils, et surtout frères, sauf, justement, en homosexualité qu'ils ne pratiquent qu'une seule fois dans la mélancolie d'un départ où Bob ne s'est laissé aller à la relation sexuelle avec Jim que par affection, non par désir des hommes.

Une fois son camarade parti errer sur la mer, Jim se met à sa poursuite, se fait marin puisque les voyages forment la jeunesse, puis échoue à Hollywood, rencontre Ronald, l'acteur, puis Paul, l'écrivain, joue au gigolo, se trouve confronté à Maria Verlaine, femme diabolique devant laquelle se signe son impossibilité de l'amour hétéro, s'engage dans l'armée, se voit réformé pour une maladie bénigne, encore que bien psychosomatique, revient à New York gagner des dollars et fréquenter assidûment le ghetto avant de retourner enfin dans la ville de son enfance pour apprendre, désespéré, que Bob s'est transmué en mari et père.

Jim tente alors, envers et contre tout, de retrouver une connivence rêvée, perdue, avec son camarade qui refuse, horrifié, ses avances. De rage et de désir submergé, Jim, alors, le viole, et liquide ainsi son passé avant que de retourner vers ces bars où les hommes viennent en chasse, prêts à boire jusqu'à ce que le rêve soit complètement oublié.

Pour autant qu'il manifeste le désir d'en dire le plus possible, le roman de Gore Vidal présente un aspect forcé, une superficialité parfois irritante qui donne l'impression que s'énoncent au fil des pages le répertoire des idées reçues ainsi que la nomenclature des situations les plus éculées, d'une manière bien souvent plus ambiguë que critique.

La tentative désespérée de Jim consiste à rester au plus près de ce qu'il imagine être la norme, au nom de laquelle, sans doute, il se refuse à tout sentiment vis à vis de ses amants (sans échapper pour autant, d'ailleurs, à la volonté de pouvoir que Gore Vidal montre brillamment).

Jim dissocie dans le réel, amour et homosexualité, n'acceptant de les faire coïncider que dans le mirage d'une rivière et d'un feu de nuit, dans la vision fantasmée d'un frère qui permet de ne pas trop s'appesantir sur l'amant. Aussi, le monde de l'errance appelle Jim, qui ne saurait se dérober :

« Il était une fois de plus au bord d'une rivière, comprenant enfin que le dessein des rivières est de se jeter dans l'océan. Rien ne change de ce qui fut. Mais rien ne reste semblable à ce qu'il a été. Fasciné, il regardait les eaux, sombres et froides se déplacer devant l'île de pierres. Il repartirait bientôt. » (p.197)

(1) Cet article concerne la première version de ce roman. La seconde version a été éditée chez Rivages [1999, ISBN : 2743604743]

■ Un garçon près de la rivière, Gore Vidal, éditions Persona, 1982, ISBN : 2903669031


Du même auteur : Myra Breckinridge et Myron - Julien - Messiah

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