Alexandre le bien-aimé vu par Gilbert Garnon
« Une nuit de juillet, à Miéza, je sortis nu de ma chambre, le cœur battant. Mes pieds effleuraient les dalles du couloir. J'allais vers la chambre d'Alexandre. Aujourd'hui, les mains levées au ciel, j'avais fait le triple serment, par Jupiter, par la Terre, par le Soleil de lui avouer que je l'aimais et de lui dire que je mourrais s'il ne m'aimait pas. J'avais plus d'une raison d'être ému, car je craignais d'être traité de femmelette et de perdre son amitié en voulant conquérir son amour. [...]
La porte d'Alexandre s'ouvrit avec discrétion, mais mon cœur bondissait en franchissant le seuil et en la refermant. J'étais prisonnier ou de ma victoire ou de ma défaite, de ma gloire ou de ma honte. Je remerciai la Lune, dont la clarté baignait la chambre et le visage d'Alexandre endormi. Il me semblait qu'elle était amoureuse de lui, comme elle le fut du bel Endymion et comme je l'étais. Il personnifiait l'expression de l'Iliade : "Alexandre semblable aux dieux."
Il sursauta, effrayé, me reconnut et sourit. Je ne savais si c'était à moi qu'il souriait ou au dieu qui tendait nos nerfs. Je me précipitai entre ses bras, pleurant, le couvrant de baisers, et, malgré sa surprise, il ne protestait pas. D'instinct, nous nous pressions l'un sur l'autre. Priape luttait contre Priape. Sa double victoire fut rapide. Nous ne nous étions pas dit un mot. »
Ce texte de Roger Peyrefitte relate la première nuit d'amour d'Ephestion et d'Alexandre – ils avaient treize ans... Gilbert Garnon en a proposé cette illustration :
Dessin de Gilbert Garnon – 1982
in Quelques images pour la jeunesse d’Alexandre, par Roger Peyrefitte [textes] et Gilbert Garnon [dessins], Editions La Vue, 1982, ISBN : 2705004475, pp.46 à 51