L'enfance d'un chef, Jean-Paul Sartre (1939)
Dans la nouvelle L'enfance d'un chef (1939), Jean-Paul Sartre met en scène Lucien Fleurier qui refuse sa part d'homosexualité en se réfugiant dans l'ordre fascisant.
Lucien Fleurier n'est sans doute pas un homosexuel. Il a une tentation mais il est essentiellement un hétérosexuel, quoi qu'il ait des tendances homosexuelles.
Le cas de ce personnage indique que ce qu'il a refusé c'est le désordre. Il sent l'homosexuel non pas comme l'ordre mais comme le désordre.
« Je suis un pédéraste (1), se dit-il. Et il s'effondra.
— Lève-toi, Lucien, cria sa mère à travers la porte, tu vas au lycée ce matin.
— Oui, maman, répondit Lucien avec docilité. [...]
C'était marrant – Lucien sourit avec amertume – on pouvait pendant des journées entières se demander : suis-je intelligent, est-ce que je me gobe, on n'arrivait jamais à décider. Et à côté de ça il y avait des étiquettes qui s'accrochaient à vous un beau matin et il fallait les porter toute sa vie : par exemple, Lucien était grand et blond, il ressemblait à son père, il était fils unique et, depuis hier, il était pédéraste. On dirait de lui : "Fleurier, vous savez bien, ce grand blond qui aime les hommes ?" Et les gens répondraient : "Ah! oui. La grande tantouze ? Très bien, je sais qui c'est." »
■ in la nouvelle L'enfance d'un chef, [Recueil Le Mur], éditions Gallimard/Folio, 1984 (réédition), ISBN : 2070368785, pp. 209-210