Swoon, un film de Tom Kalin (1992)
Swoon raconte la brève et désolante histoire de deux adolescents, Nathan Léopold Junior et Richard Loeb, deux photogéniques intellectuels juifs qui se rendirent célèbres, dans les années 20, à Chicago.
Influencés par Nietzsche, ils ont voulu réaliser en commun le crime parfait sur la personne d'un jeune et innocent enfant de 13 ans. Mais les innombrables indices, qu'ils laissent, les dénoncent très rapidement.
L'Amérique, toujours prompte à se chercher des boucs émissaires pour conjurer ses hantises, a développé tout un scénario autour de ces figures maléfiques qui allient le désir libidinal à la pulsion meurtrière. Dès lors, c'est au nom de l'ordre social, de la sécurité des biens et des personnes, que le sexe peut être rendu démoniaque. Le procès est d'abord un prétexte à la condamnation de l’homosexualité, du judaïsme et de l’intellectualisme.
Ce film pose l'éternelle double question : Doit-on, à tout prix, donner au public une image idéale de l'homosexualité ? Ou bien plutôt, à travers tel cas pathologique de passion amoureuse, de manipulation psychique conduisant au crime, l'interroger de manière plus pertinente sur le rapport toujours ambigu entre l'acte morbide et la notion de culpabilité, entre la justice et le jugement.
Tom Kalin insiste sur la célébration des éléments inquiétants, romantiques, inconscients de ce fait divers comme cela n'avait jamais été fait.
Le film de Tom Kalin, dans cette histoire indicible, montre parfaitement l'ardeur du public à dénoncer l'homosexualité des deux adolescents comme la cause de leur comportement criminel. Kalin se concentre sur le rôle du Procureur et sur les témoignages psychiatriques qui affirment que l'échec de se séparer de la mère écarte un choix d'objet hétérosexuel dans l'âge adulte. Il n'était pas pensable alors d'affirmer que la faute n'était pas dans le choix d'objet de Nathan Léopold – génie arrogant, hanté avec Richard Loeb –, mais dans le fait qu'il a vécu dans un temps où il ne pouvait pas imaginer négocier une relation avec un homme.
La fermeture de la salle d'audience aux femmes et la présence du lit (où l'enfant a été abusé) donnent un caractère pervers amplifié, aux propos du psychiatre sur la vie sexuelle de Nathan Léopold et Richard.
Tom Kalin a opté pour une esthétique qui combine le lyrisme à l'ellipse : en noir et blanc, privilégiant le plan fixe, fragmentaire, son film reconstitue les événements, y intégrant le climat intellectuel et moral d'une société profondément homophobe, et manipulant le fait divers au gré des fantasmes.
Après le suicide de Richard, Nathan Léopold précise que personne en prison ne l'a jamais vu pleurer. D'ailleurs, ajoute-t-il, je n'ai versé des larmes qu'à seulement quatre occasions : la mort de mon père, de ma tante, de mon frère et… de Richard Loeb.