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Esther, René de Ceccatty

Publié le par Jean-Yves Alt

On n'écrit que sur la solitude et l'écriture est acte de survie qui, inlassablement, bâtit une pyramide où enfermer la mémoire.

René de Ceccatty appartient à cette famille d'écrivains en marge du branle-bas littéraire, où la création reste le talisman anti-mort, l'unique ressource vitale.

Pourquoi cette délicieuse souffrance en lisant Esther ? D'abord, sans doute, parce que je peux magnifier mes désarrois à travers le récit d'Esther. Mais, au-delà, mon goût des livres, cette monomanie qui me limite au manège des mots, me donne une autre explication. Dans ce roman René atteint la transparence : il sait, définitivement, que le texte est un voyage clandestin qui nous ramène aux sources de nos secrets en détruisant la mystification.

Esther dans son corps de femme est un homosexuel, mais en écrivant seulement cela, je truque grossièrement les cartes. Esther est une voix qui décrypte la signification profonde de l'amour entre hommes.

René de Ceccatty est un des rares écrivains qui ait compris la portée mythologique de l'homosexualité. Cela dépasse le goût d'un corps similaire. Esther, homme ? femme ? L'important, ce sont les lisières du non-dit, la tendresse en filigrane quand les êtres se figent soudain, l'espace d'une clarté révélatrice, extirpés de la trajectoire des codes et de l'oubli.

« Elle pense à ses rencontres, à la persistance du passé mort... Esther appartient à plusieurs temps. »

Les personnages de ce roman ont en commun l'amour de la fuite : voyageurs éternels, ils glissent d'hôtels en appartements vides, se recueillent au bord des mers, se cherchent dans les villes, entraînent les compagnons sans voix au cœur des forêts. Ils ne connaissent que les déserts et les chambres de passage où se dévore la passion. Ils ont le goût des cérémonies secrètes.

« Les premiers gestes de l'amour sont d'abord une réconciliation avec son enfance. »

Esther, Samantha, Giugna, Olivier, Michel vivent en marge des projets, des clans, des familles. Ils se tiennent, fragiles et têtus, sur la pointe extrême de l'adolescence. Orphelins, leur vie est un pèlerinage contre le temps. Nando, Noureddine jaillissent parfois pour une religion des corps qui occulte, l'espace d'un moment, la solitude.

Une solitude qu'ils portent ensemble, vigilants, chacun, à la souffrance de l'autre.

■ Esther, René de Ceccatty, Editions La Différence, 1992 (réédition), ISBN : 2729100962


Du même auteur : Une fin - L'extrémité du monde - L'or et la poussière - La princesse qui aimait les chenilles - L'étoile rubis - Babel des mers - Violette Leduc, éloge de la bâtarde

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