Hairspray, un film de John Waters (1988)
Ce film est un bel exemple qui permet de définir la sensibilité particulière du Camp.
« Il est très camp », ça signifie carrément qu'il fait terriblement pédé, avec une nuance fortement péjorative d'affectation et de vulgarité, si l'on considère que camp est tout à la fois pédé et de mauvais goût.
Le camp est la contestation des valeurs établies de la société petite-bourgeoise, au moyen de la dérision acide et féroce, de l'humour méchant qui n'a de respect pour rien ni personne, et surtout pas pour les conventions sociales. C'est une manière de montrer que l'on refuse les structures normalisantes.
On trouve dans Hairspray le thème obsessionnel du fantasme de la célébrité à tout prix, incarné en la personne de la mère de famille interprétée par Divine avec tout ce que cela implique de loufoquerie, d'image peu flatteuse de l'homme, de tableaux satiriques de la société à travers la cellule familiale et les phénomènes d'exclusion.
La célébrité ? Dans Hairspray, on est prêt à n'importe quoi pour être vu, reconnu à la télé ou dans la rue, célèbre. Le vecteur de la célébrité est une émission de danse très prisée qui passe par une chaîne de télé locale à Baltimore. On est en 1962-63 et c'est l'époque où le rock a fait des petits : le twist, le madison, le mashed potatoes... C'est aussi l'époque où femmes et minettes se font remarquer par leurs coiffures cheveux longs et crêpés agencés en véritables échafaudages, de la bulle à la montgolfière en passant par le roudoudou.
Deux familles s'affrontent dans Hairspray par gamines interposées. Divine, énorme et plutôt souillon, qui endosse une sublime robe jaune imprimée de cafards noirs, est la mère de la jeune et déjà obèse Tracy, qui a pour rivale une nunuche dont les parents crétins, mais tellement vrais, sont interprétés par Deborah Harry et Sonny Bono. C'est à qui, de la grosse ou de la belle, deviendra star des ados de Baltimore ; l'avantage étant pris peu à peu par la grosse Tracy, celle-ci devient soudain beaucoup plus séduisante pour les garçons (il y a dans le film une brochette de lycéens séduisants mais plutôt stupides). Tracy pique le boy-friend de sa rivale, tandis que maman Divine sort de sa crasse domestique (pour faire les magasins avec cette fille que tout le monde reconnaît) et s'improvise imprésario !
Quant aux hommes, ils sont comme d'habitude assez minables. John Waters semble vraiment s'être pris d'affection pour la petite de Tracy, qui impose ses rondeurs avec gentillesse, ce qui donne un film plutôt soft : en sachant se montrer la meilleure dans les bêtises qui intéressent les gens, elle conjure le destin qui voudrait exclure les gros des normes contraignantes du charme standardisé.
Et en plus, Tracy prend une part active à lutter contre le climat de ségrégation raciale qui règne encore à Baltimore au début des sixties.
Hairspray montre une certaine douceur dans l'excès, même s'il est tout à fait dans l'esprit du camp décapant, avec son humour au mauvais goût recherché, parfait et délicieux.
La mise en scène du ridicule reste très méticuleuse : l'acidité est parfois compensée par une certaine tendresse qui perce à travers les flèches du réalisateur.