La mort par Jean-Pierre Vernant
« Je comprends, intellectuellement, que c'est la mort qui fait la valeur de la vie. La mort, c'est le sens de la vie.
Rappelez-vous l'histoire de Tithon. Eos, l'Aurore, était amoureuse de ce mortel à la beauté stupéfiante. Elle demanda alors à Zeus de le rendre immortel. Zeus accepta et gratifia Tithon de l'immortalité, réservée aux dieux. Mais l'imprudente Aurore avait oublié de demander également pour son amant le don de ne pas vieillir: Tithon ne mourut pas mais se dessécha au point qu'il devint une espèce d'épouvantable vieux débris et, finalement, se métamorphosa en cigale... Les Grecs avaient donc bien senti que la mort est nécessaire pour donner sa valeur à la vie : les valeurs sont d'autant plus fortes qu'elles sont fragiles et c'est la fragilité d'une chose qui fait son prix. »
Interview de Jean-Pierre Vernant par François Busnel
in "Lire", décembre 2004 / janvier 2005