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Le galate mourant vu par Renaud Camus

Publié le par Jean-Yves Alt

« Matinée au musée Capitolin avec Rodolphe. Faut-il le dire ? La Vénus capitoline et même, dans la salle des Empereurs, l'étonnante tête d'Héliogabale, si expressive, me sont peu de chose auprès du Galate mourant, que j'aimerais d'ailleurs mieux, pour me l'annexer plus étroitement, en en faisant mon oncle ou cousin, appeler le Gaulois mourant. […]

Disons-le tout net : rien en sculpture, pour moi, n'est sexy comme ce vaincu. On trouve facilement dans l'Antiquité des corps plus sensuels, à commencer par le prétendu Faune de Munich, mais de visage, à mon gré, point.

Ce n'est pas un visage classiquement beau, non, loin de là ; rien d'apollinien, certes. Sa petite moustache suffirait à l'exclure, ce Galate, de tout classicisme antique, comme ses courts cheveux en désordre et la torque qu'il porte au cou, si semblable à toutes celles du musée de Saint-Germain et d'ailleurs.

Galate mourant – copie romaine en marbre d'un original grec perdu

Musée du Capitole (Rome)

C'est bien un barbare, et probablement pas un prince parmi les barbares, malgré son assez riche bijou. Son nez court et un peu grossier, d'ailleurs cassé et refait, ne suggère pas le rejeton de grande race.

On pourrait parler de la noblesse qu'il témoigne dans un moment difficile, mais ce serait brouiller les pistes. Car le prestige dont il jouit, à mes yeux en tout cas, est un de ceux qui m'impressionnent le plus : c'est un prestige sexuel.

Ce Gaulois mourant – mais qu'est-ce qui prouve qu'il est mourant ? Sa blessure n'a pas l'air si grave… – est un objet de désir, et d'abord sans doute de la part de l'artiste qui l'a sculpté. Mais pour qu'il s'installe si pleinement dans les fastes de la mémoire, il fallait aussi qu'il fût une œuvre d'art et superbe.

C'est cette combinaison, somme toute bien rare, qui le rend si troublant, et si précieux : un chef-d'œuvre qui pourrait faire bander. »

Renaud Camus


in Journal romain (1985-1986), Éditions P.O.L., 1987, ISBN : 2867441048


Cette citation est publiée avec l'accord de Renaud Camus.

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