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Une critique du film « Louis II » de Luchino Visconti analysée par Renaud Camus

Publié le par Jean-Yves Alt

Télérama commente en ces termes le « Ludwig » de Visconti, qui est diffusé en plusieurs épisodes, à la télévision, pour les fêtes de fin d'année : « (Louis II) C'est aussi l'esthète que l'ivresse des sens conduit à l'abîme, l'artiste platonique foudroyé par la tentation homosexuelle comme le sera le musicien de Mort à Venise. »

« Luchino Visconti a toujours été le cinéaste de la passion interdite (…) Bientôt ses films ne seront plus hantés que par ses démons intérieurs<. »

« C'est donc cette homosexualité longtemps refoulée, ici étalée dans toute sa malédiction, qui rend pathétique ce portrait de Louis II de Bavière en qui nous reconnaissons sans peine l'auteur du film. Ce n'est pas la richesse décorative, le cérémonial majestueux des opéras de Wagner que transcende Visconti, mais cette quête effrénée de la nuit, refuge des rêves interdits et des amours illicites, et de l'eau, miroir glauque d'où surgit le désir (apparition du page se baignant nu) et où l'entraîne la mort (noyade dans le lac de Berg). « Ludwig » est une symphonie funèbre où le roi maudit met lui-même en scène sa déchéance avec une maniaquerie maladive. »

Inutile de souligner, j'imagine, les passages et les mots les plus caractéristiques de ce texte d'un obscur J.-L. D.. C'est encore dans ce style apocalyptique que s'expriment aujourd'hui, lorsqu'ils ont l'occasion de parler de l'homosexualité, la plupart des journalistes français. Voilà ce qui se lit, semaine après semaine, autour de nous. C'est dans ces « miroirs glauques » que nous nous reflétons quotidiennement. Comment s'étonner dès lors que l'homosexualité paraisse encore « maudite » à tellement de gens, et que presque personne ne semble s'aviser que la « malédiction » de Louis II ce n'était pas son homosexualité, mais la répression dont elle faisait partout l'objet en son temps, et d'abord en lui-même : ses « démons intérieurs », c'était d'abord la morale chrétienne, qui le menaçait sans cesse, pour rien, de ses fourches et de son enfer, comme en témoigne le journal qu'il tenait régulièrement, mais qui ne lui reprochait guère apparemment, de se soucier si peu de ses sujets et des devoirs de son état. On ne peut d'ailleurs pas dire que Visconti lui-même ait eu vraiment à cœur, ici non plus qu'ailleurs, de lever ces ambiguïtés, si complaisantes aux images les plus éculées et sulfureuses de l'amour des hommes.

Renaud Camus

■ in Chroniques Achriennes, éditions P.O.L., 1984, ISBN : 2867440173, pp. 229-230

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