Mes meilleurs copains, un film de Jean-Marie Poiré (1989)
Que se passe-t-il quand quelqu'un qui a réalisé son rêve retrouve ses anciens complices qui, eux, ne l'ont pas réalisé ?
Dans "Mes meilleurs copains", Jean-Marie Poiré imagine les retrouvailles d'un groupe de copains avec une copine qui est devenue star de rock au Canada. Peu après 68, ces gauchistes de circonstance et de pacotille avaient formé un groupe « pop », mais seule Bernadette (Louise Portal) avait intéressé les professionnels du show-biz
Vingt ans après, tandis que les garçons sont restés liés comme à la belle époque de leur jeunesse, Bernadette vient à Paris pour un récital à l'Olympia, et ils vont tous se retrouver, le temps d'un week-end mouvementé, dans la maison de Richard (Gérard Lanvin).
La présence de Bernadette est le prétexte idéal pour que chacun fasse le bilan de sa vie, justifie son évolution des idées révolutionnaires au comportement petit-bourgeois. Elle est le révélateur des non-dits enfouis depuis tant d'années, et les révélations vont effectivement aller bon train, sur le ton du psychodrame comique.
Il y a ainsi, dans le film de Jean-Marie Poiré, un parcours des protagonistes vers la connaissance de soi, vers la prise de conscience de la vérité de leurs relations. Les personnages sont parfaitement emblématiques de l'itinéraire d'une génération prise dans la contradiction de ses rêves et de sa progressive intégration au système qu'elle condamnait.
L'itinéraire de Guido (Jean-Pierre Bacri) est particulièrement intéressant à suivre : on voit comment il profite des ambiguïtés de la révolution sexuelle pour affirmer dans le groupe son homosexualité, pour l'imposer même face à ses copains réticents mais coincés par le sceau de l'amitié. Guido révèle aux autres ses goûts par l'intermédiaire d'un petit film en super 8 comme il en fleurissait dans les années 70, et où il s'affiche ouvertement avec un éphèbe italien dénudé à la manière des modèles du baron de Gloeden. Guido avouera ensuite ne plus baiser depuis 1983 et avoir tout transféré sur une dépense sportive forcenée, tandis que Bernadette exige de Jean-Michel (Christian Clavier) une capote pour s'envoyer en l'air.
Guido apparaît comme un personnage sérieux, un peu aigri, mais au regard juste et quand même assez drôle. A l'époque du groupe, c'était lui le plus éclaté, et en 1989, c'est lui le plus strict, le plus rigoureux. Il reste que Guido n'est accepté qu'en partie : il vient toujours seul chez ses copains, il n'amène jamais un autre homosexuel avec lui. Cela correspond sans doute à une réalité sociologique de l'époque.
Par des raccourcis qui visent juste, par une mise en scène qui joue avec le temps et les modes, par des dialogues acérés, Jean-Marie Poiré a réussi cette fresque comico-sociologique qui mène de l'explosion débridée de 68 aux années sida.