Famille de paysans dans un intérieur par Le Nain
Un homme, deux femmes, six enfants, un chien et un chat sont réunis dans la pièce commune d'une maison. Le plus grand des garçons joue de la flûte.
Ce tableau, j'ai pu le voir, maintes fois, dans mes livres scolaires d'Histoire. A chaque fois, c'était pour illustrer la condition paysanne déplorable sous l'Ancien Régime. Et, parce que l'époque ne se prêtait pas à énoncer une critique, je n'ai jamais osé dire que ce tableau ne me semblait pas s'accorder avec cette thématique.
Ce tableau est visible au Musée du Louvre. La première fois que je l’ai découvert « en vrai », j'ai été séduit par sa beauté et aussi rassuré que mon pressentiment n'était pas injustifié : la misère des paysans n'est pas le propos de ce tableau.
Car ce qui me frappe dans l'attitude de ces paysans, c'est leur extraordinaire dignité. La plupart semble me regarder dans les yeux au point de provoquer en moi un mal être : comment dois-je les approcher avec cette même simplicité de cœur qu'ils m'offrent ?
Le Nain [Louis ( ?)] – Famille de paysans dans un intérieur – 1642
Huile sur toile, 113 cm x 159 cm, Musée du Louvre
Si Le Nain traite de la pauvreté, il le fait sans misérabilisme : pour s'en convaincre, il suffit d'appréhender ce verre à pied si fragile empli de vin ; de saisir comment la musique résonne dans le corps de ce petit joueur de flageolet ; d'observer ce vieil homme, en arrière plan, dans sa singulière présence ; de remarquer ce petit chat immobile et attentif derrière le fait-tout…
La pauvreté disparaît derrière chacun des regards. Le Nain a réussi la prouesse de composer un tableau qui m'oblige à être pleinement ce que je suis et non pas ce que je crois être.