Mon sida par Jean-Paul ARON (1925-1988)
Quelques phrases extraites de l'interview de Jean-Paul Aron au Nouvel Observateur en 1987 :
« Car si j'ai eu de grandes amours, des désirs intenses, je n'ai pas très bien réussi dans la vie, ni dans l'amour, ni le désir. »
« Ma vérité, c'est que je suis un faisceau de culpabilités dans lequel l'homosexualité pèse lourdement mais pas uniquement. »
« Le sida reste la maladie des homosexuels malgré la découverte de l'épidémie en Afrique noire, autre preuve de malédiction. »
« En supplément de la honte, le sida provoque une réaction particulière : la peur jusqu'à la stupidité... On redoute les contacts, les baisers parfaitement inoffensifs. »
« L'homosexualité est une forme de déviation, de marginalité que le corps social peut supporter sans l'avaliser jusqu'au bout. Le sida réintroduit la condamnation. »
« Je continue pourtant à penser que les médecins se sont pris au jeu du sida, qu'ils se sont précipités sur ce créneau pour réanimer leur pouvoir symbolique, cette aura qui ne se définit ni par l'argent, ni par la capacité technicienne. »
« Dès le premier instant, par son exhibitionnisme, la presse a fait plus de mal que de bien. Elle a tout de suite insisté sur les victimes homosexuelles. »
« Je ne voulais pas admettre que j'étais menacé par le sida et que je menaçais les autres. Je reconnais qu'il a fallu un certain temps pour que je prenne des précautions dans l'acte sexuel. Je n'ai accepté de subir le test de dépistage qu'au moment de la première alerte. »
« Personne ne peut prétendre vivre la marginalité dans le bonheur. On peut simplement parfois en éprouver une jouissance, je pense l'avoir quelquefois ressentie. »
« C'était sans doute folie, peut-être inauthenticité, mais je ne me suis jamais senti homosexuel. La maladie seule m'oblige à convenir que j'appartiens existentiellement et socialement à cette catégorie. »
■ Le Nouvel Observateur n°1199 du 30 octobre 1987