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Tenue de soirée, un film de Bertrand Blier (1986)

Publié le par Jean-Yves Alt

Bertrand Blier ne s'est pas contenté de jouer la provocation. Au-delà du délire, de la folie et du bon mot, sans omettre l'outrance du propos (Gérard Depardieu en pute, manteau de vison et lipstick dégoulinant), le cinéaste parle tout simplement du besoin d'amour.

La forme a peu d'importance : un homme, une femme ; un homme, un homme ; une femme, une femme. Quelle importance ? La quête est la même, le désir est identique : l'amour, aimer, être aimé. Point.

La première scène de "Tenue de soirée" est à cet égard très significative. Monique (Miou-Miou) insulte avec véhémence son mari, une cloche, fou amoureux de la garce qui lui crache son venin à la gueule, un « Pauvre con ! Tu n'es qu'un nul, une merde ! ». Elle n'en peut plus. Qu'est-ce qu'elle fout avec cette lopette d'Antoine (Michel Blanc) ? Il n'est même pas capable de gagner du fric, tout juste bon à lui adresser des mots tendres, à la regarder vitupérer contre lui. Un mâle arrive à la rescousse. Jean-Claude, alias Bob (Gérard Depardieu en voleur de charme), complet taille large et une écharpe de soie. Excédé par tant de haine, il balance une paire de baffes en plein dans la tête de Monique, un rien décontenancée : « Connasse ! Pouffiasse ! Tu n'as pas honte de parler ainsi à ton homme ? Tiens prends ça ! » Et il lui tend 5.000 ou 10.000 balles, peu importe, de quoi lui clouer le bec.

Et voilà le spectateur embarqué dans la plus grande des folies, le plus exaltant des délires : Monique n'en veut qu'au fric de Bob. Lui n'en veut qu'à son mec, Antoine.

- Antoine [Michel Blanc] : « Tu vas m'aimer toi au moins ? »

- Bob [Gérard Depardieu] : « Bien sûr que je vais t'aimer, je vais faire de toi une reine ! »

Un dialogue qui en dit long sur les surprises incessantes du film...

Michel Blanc a joué son personnage avec une très grande sincérité. Quand il devient femme, c'est assez étonnant. Aucun artifice, seulement une petite robe misérable et une malheureuse perruque.

"Tenue de soirée" est un film qui n'a rien à démontrer. L'homosexualité n'y est pas enfermée dans un ghetto, on en rigole comme on rigolerait de l'adultère, sans en faire un monde à part. C'est une histoire d'amour comme les autres… à la condition d'accepter de suivre ce trio pendant un moment, sans chercher de pourquoi, de logique sur les réactions de ces crapules sympathiques et douloureuses.

Il y a une scène émouvante quand Depardieu en string léopard dit à Antoine qui est dans le lit :

« Où est-ce que tu vois Monique ? Il n'y a pas de Monique. Tout ce que je vois, ce sont deux hommes merveilleusement faits l'un pour l'autre comme le ciel et la mer. Monique, ce n'est rien qu'une mouette. Tu enlèves la mouette, ça ne change rien au tableau. »

Une autre scène, celle de la dispute entre Antoine et Gérard est étonnante ; le dialogue est hallucinant, à en pleurer de rire alors que là l'envie de rire n'est pas au rendez-vous :

Antoine : « - Dehors c'est le printemps, tu ne m'as même pas emmené voir les bourgeois.

Et Gérard répond : - T'as rien foutu, tu t'es encore bourré de chocolats toute la journée. »

Cette scène ne se passe pas comme une blague, mais comme un cri de désespoir. On est vraiment là dans un archétype de la scène de ménage. C'est très fort. Et le dialogue se poursuit :

« Regarde ! Bientôt je vais avoir une culotte de cheval, et tu ne t'en apercevras même pas. Tu me traites comme la dernière des dernières.»

Le film se termine sur un "cul-de-sac", tout en restant drôle et en ne se fermant pas. Il passe à un cran supérieur dans l'onirisme et la folie : les personnages s'en vont en disant :

« On vous a raconté notre histoire. Bonjour chez vous ! »

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