Mon regard sur le saint Sébastien attribué à Abraham Gaspard
L'originalité de ce Sébastien se discerne dans sa réalité charnelle doublée d'un dialogue suppliant entre la chair et le sacré.
Sébastien est dans cette représentation en terre cuite semblable à une statue antique. Avec sa poitrine dessinée, son corps apparaît glorieux, comme en élévation, tendu à l'extrême malgré ses jambes fléchies. Un corps bandé tel un arc.
Pourtant mon attention se concentre sur le linge qui couvre les reins de Sébastien. Sur le devant, ses plis et son tombé indiquent clairement qu’il repose sur son sexe dressé.
Des siècles après les amours idéalisés de la Grèce antique, ce Sébastien élève l'amour, le débarrassant des scories du narcissisme.
Attribué à Abraham Gaspard (Ecole Lorraine) – Saint Sébastien – fin du XVIIe
Terre cuite, Musée Lorrain, Nancy
Comment Sébastien réagira-t-il à ce plaisir dont il ne peut pas parler car ce serait clamer sa solitude, ce serait avouer qu'il a un sexe et des désirs ?
Un Sébastien lourd de sensualité, frustre et plein de sève… Pour qui bande-t-il ?
Le voilà, « gigantesque », ce sexe qu'on essaye toujours de réduire à sa plus simple expression, en l'affublant de sentiments, en le maquillant de théories, en l'escamotant dans une perspective esthétique. Le voilà, monstrueux, ce sexe qui ne tient pas en place, qui ne tient pas sa place, et surtout qui ne se tient pas à sa place en allant jusqu'à donner des idées…