Mon regard sur le saint Sébastien de Wenceslas Coebergher
Les représentations du martyre de saint Sébastien présentent très rarement la préparation de son supplice ; pas plus que la lapidation qu’il subira après la sagittation (supplice aux flèches).
Ce Sébastien n'a pas la perfection – telle qu'on se la représente en notre siècle – des éphèbes aux grâces de gazelle, aux cheveux d'or et aux yeux noirs. Son corps s'est paré des marques de la virilité, faisant oublier la taille gracile et les joues légèrement duvetées.
Si l'éphèbe apparaît parfois comme une figure de libre arbitre, ce Sébastien semble empli d'une responsabilité morale ambiguë. Est-il seulement l'incarnation d'un dieu inaccessible, objet d'adoration et de prière ?
Cette incertitude, je la devine dans le regard de Sébastien établissant une sorte de « creux » accentué par les surcharges scéniques du tableau. Ce « creux » exprime-t-il seulement la distance infranchissable entre un désir d'immédiateté et l'amour patient de Dieu ?
Wenceslas Coebergher (1561 ? / 1634) – Les apprêts du martyre de Saint Sébastien – 1599
Huile sur toile, Musée des Beaux Arts, Nancy
Je prêterais volontiers ces paroles à ce Sébastien :
« Puissé-je aimer toujours mes joies terrestres ! Que j'ai en main toujours un bon vin à ma disposition car je prends tout ce qui vient de Dieu. »
Ce corps de Sébastien m'évoque la photographie culturiste 100 % esthétique de la fin de la première moitié du XXe siècle, mettant de côté le seul étalage musculaire pour ne garder que la beauté des modèles. Sans être une représentation ni érotique ni sportive !
Comme dans ces photographies américaines, le corps de Sébastien n'a besoin d’aucun accessoire. Son image est épurée au maximum afin de privilégier l'éclairage et la pose.
Si le tableau de Wenceslas Coebergher veut montrer qu'il existe une passerelle entre monde terrestre et monde divin, il expose aussi que, sur terre, culturisme et délicatesse peuvent être associés.