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« Impression » affective chez Manessier dans les Coqs combattant

Publié le par Jean-Yves Alt

La fragmentation des formes, la multiplication des couleurs en petites surfaces, ont un pouvoir évocateur simple.

Le désir de comprendre, de relier des fragments, de compléter, de lire, de reconnaître, de former, déclenche chez moi les mécanismes de la rêverie.

Si Manessier (1911-1993) a fragmenté ses coqs, il a pris garde que sa technique ne prenne un effet destructeur : les grandes courbes sont non seulement génératrices de mouvement mais aussi d'unité.

Unité amplifiée par la limite d'un « cadre », où les deux oiseaux sont insérés, annihilant l'impression d'éparpillement. Unité amplifiée aussi par le choix de deux zones affrontées où deux formes symétriques (en croissant) sont concentrées.

La fragmentation procure encore l'impression du mouvement, du scintillement. Des accents plus foncés, scandent la surface. La victoire semble acquise au coq de gauche, plus épanoui, tandis que celui de droite donne l'impression de se replier sur lui-même dans l'ombre.

Alfred Manessier – Coqs combattant – 1944

Huile sur toile, 81cm x 100 cm, Musée National d’Art Moderne, Paris

S'agit-il seulement d'un combat de coqs ?

Car je situe ce tableau à mi-chemin entre la figuration et l'abstraction. Si le sujet est facilement identifiable (un combat de coqs), je trouve qu'il traduit d'abord en termes plastiques une impression affective. Les éléments abstraits de formes colorées permettent de créer des équivalents poétiques du réel qui dépassent le simple combat entre deux oiseaux. Ma sensibilité est sollicitée par les couleurs éclatantes et les formes morcelées qui évoquent la confrontation de deux forces égales livrées à une cruelle lutte à mort : en cela, je devine une vocation religieuse à cette œuvre.

Le sujet alors s'humanise, jusqu'à prendre une valeur générale.

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