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Alix, une inaptitude troublante à faire le bonheur d'une femme

Publié le par Jean-Yves Alt

Les BD d'Alix donnent l'occasion d'une trouble délectation des images autant que les meilleurs maniéristes du XVIe ou les plus pervers pompiers du XIXe siècle. Pourtant, ces plaisirs restent bien anecdotiques, même si on peut toujours être émoustillé de quelque nudité entrevue.

Est-ce timidité de sa jeunesse : de toute façon, les femmes sont peu nombreuses dans le cycle aventureux d'Alix et elles tardent surtout à apparaître dans le cercle étroit de ses relations, puisque la première rencontre féminine se situe dans «Le dernier Spartiate», septième album de la série.

Et surtout, les échecs plus ou moins dramatiques de ces liaisons témoignent d'une inaptitude troublante à faire le bonheur d'une femme. Pis, il en fait souvent le malheur.

 Dans « Le dieu sauvage » (album n°9), Alix ruine non seulement toute l'ambition de la reine Adrea de chasser de Grèce tous les occupants romains, mais il en provoque la mort à rebondissements, une première fois selon toutes les apparences, dans l'effondrement de la citadelle Spartiate, et une seconde fois, qui sera la bonne, par les réactions mi-jalouses, mi-haineuses d'Héra envers Alix. Pourtant la reine, par deux fois, s'était opposée au général de son armée pour sauver Alix, puis Enak, malgré le cauchemar prémonitoire où le jeune homme la précipitait dans un « immense brasier ». Pourtant, après l'avoir libéré, elle lui avait offert le préceptorat de son fils. Elle avait même été jusqu'à lui proposer d'être prince – c'est-à-dire jusqu'à le demander en mariage. « Si tu n'as pas la reconnaissance du cœur, aie au moins celle du corps », lui dit-elle une fois : il n'a eu ni l'une... ni l'autre…

 Dans « Iorix le Grand », (album n°10), Ariela regagne son village gaulois avec Alix qui la protège et la tient même dans ses bras : ce n'est pas sans que Iorix, jaloux, l'ait prévenue qu'elle n'a rien à attendre d'un homme dont le seul compagnon est ce garçon qu'il dorlote dans son chariot.

 Dans « Le prince du Nil » (album n°11) Saïs qui est sacrilège et meurtrière, qui s'oppose à son frère le pharaon pour sauver Alix, n'est récompensée que d'un conventionnel Tu es merveilleuse et d'une embrassade embarrassée. Au moment des adieux, Alix et Enak, « trop occupés par eux-mêmes pour percevoir sa présence », la laissent partir sans plus d'attention : elle tombera morte du char qui l'éloigne d'Alix.

Le Prince du Nil, Jacques Martin, Ed. Casterman, 1974, page 21

 Dans « Le fils de Spartacus », (album n°12) La petite Sabina connaît vraiment la tristesse après avoir quitté Alix quoiqu'elle lui ait fait promettre de revenir en tendant sa main une dernière fois pour le toucher encore. Sans doute n'a-t-elle pas grande illusion sur le fait du serment que lui prête Alix.

 Dans « Le Spectre de Carthage », (album n°13) Samthô, à l'image de Salammbô, est aussi sacrilège pour sauver le jeune Romain qui l'a un peu draguée en lui parlant de la douceur de ses mains et du ciel de Rome comme un vulgaire amant sans imagination. En l'aidant à s'enfuir, elle fait une chute mortelle sans qu'il s'en aperçoive tout de suite car il est parti en avant, boudeur, parce qu'elle hésitait à satisfaire sa curiosité.

 Dans « Les proies du volcan », (album n°14) Malua se berce de l'illusion de ne plus quitter les deux amis et de partir avec eux jusqu'à ce que ceux-ci prennent la mer sans elle, la conscience pure et confortée par les arguments solidement réalistes d'Enak qui ne voit pas cette pseudo-polynésienne à Rome.

 Dans « L'enfant grec » (album n°15), d'Archeloüs/Archeola ne peut même pas prétendre à un peu de tendresse. Elle trahit son père, dévoile ses manigances devant tout Athènes, montre les secrets de son entreprise à Alix qu'elle sauve d'une mort horrible dans les fours de la poterie sans réussir à éveiller même la sympathie du jeune homme. Au vrai, il n'aime sans doute pas les «folles» ; Alix et Enak n'apprécient guère qu'un garçon – puisqu'effectivement on la fait passer comme tel pour des raisons d'héritage – se travestisse en fille, danse et rie avec des hi ! hi ! aussi affectés.

L'enfant grec, Jacques Martin, Ed. Casterman, 1980, page 14

 Dans « La tour de Babel » (album n°16), Alix sauve de l'esclavage Marah qui meurt d'une morsure de serpent en courant imprudemment pour le protéger.

La tour de Babel, Jacques Martin, Ed. Casterman, 1981, page 45

Jusqu’à l'album n°16, il n'y a qu'une seule femme à s'en bien tirer : Lydia, (« Le tombeau étrusque », album n°8). Parce que, malgré la confiance qu'elle place en Alix, leur relation reste très conventionnellement sage ; Lydia ne s'estimant pas réduite à succomber au charme d'Alix dès qu'elle le voit.


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Lire une interview de Jacques Martin réalisée par Gérard Lefort et Mathieu Lindon pour Libération en 1996.

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