Alix favorise ses « favoris »
Pendant qu'Alix crée tant d'ennuis à la gent féminine (lire ici), puisqu'il n'y a que son indifférence à ne pas lui être néfaste, il est beaucoup moins dangereux pour les amis de son sexe. Le malheur même qu'Alix peut parfois porter aux hommes n'a pas le caractère d'échec qu'il a à l'endroit des amitiés féminines.
Si Alix perd la reine Adrea, il sauve la couronne d'Oribal – qui se révêlera pourtant un mauvais roi dans « La tour de Babel » (album n°16) –, son sosie en négatif, brun de cheveux et de peau.
Si Alix dans « La Griffe Noire » (album n°5) est la cause de la paralysie du petit Claudius, il fait tout pour le sauver et il y réussit. Tout particulièrement accueillant pour le jeune Héraklion, à la fin du « Dernier Spartiate » (album n°7), on le voit regarder avec un œil et une moue de faune intéressé, Enak jouant avec le pauvre petit, à qui il ne reste rien au monde que leur amitié. A ce compte, il n'est pas étonnant que, réveillés en sursaut, Enak et Héraklion tombés du lit apparaissent nus en haut de l'escalier de la maison d'Alix.
Mais le plus favorisé d'entre les favoris, c'est Enak. Car Alix est d'autant mieux aimant qu'il fut lui-même aimé dans son adolescence intrépide (« Alix l'intrépide », album n°1) : le noir barbu Toraya le sauve des loups, des hommes de sa tribu qui veulent l'aveugler et des tremblements de terre. En quelques images, Alix trouve bien son protecteur, son antique éraste : Toraya le saisit délicatement dans ses bras, ou de sa poigne vigoureuse ; il s'excuse de l'avoir bousculé pour le sauver de ses ennemis, malheureux sans doute de n'avoir pu être tendre même dans cette situation critique. Il le tire à lui, d'un mouvement énergique, le sauvant d'une mort atroce lorsqu il tombait dans une crevasse : ainsi Alix, maintenu par le cou et le poignet, se retrouve allongé sur le torse du géant à qui il rappelle un fils. Pour parfaire le roman-photos, Alix est enlevé, maintenu par un bras puissant, tête renversée en arrière, ou encore agrippé aux épaules et à la taille de Toraya qui l'emporte dans les airs tel un Tarzan. Mais, en enlevant ainsi son aimé dans un tel transport, en le sauvant de la mort, Toraya meurt lui-même et la face de la BD s'en trouve changée.
D'aimé, Alix va se faire aimant ; d'enlevé, enlevant : à lui maintenant d'emporter Enak dans les airs, avec moins d'enlacements, mais autant d'efficacité pour ravir.
Pour le meilleur et pour le pire.
Lire aussi :
Alix, une série culte de Jacques Martin
Alix, une inaptitude troublante à faire le bonheur d'une femme
Alix, Enak, une romance en construction
Lire une interview de Jacques Martin réalisée par Gérard Lefort et Mathieu Lindon pour Libération en 1996.