Mon regard sur le saint Sébastien de Hans Baldung à Nuremberg
Au sommet de sa branche, un faucon scrute la posture et le geste des archers, comme s'il était là pour veiller au strict respect des règles de la sagittation qui président au supplice de Sébastien.
Si les tortionnaires, avec une jouissance non dissimulée, ne quittent pas des yeux le supplicié, ce dernier est entièrement délivré de ce que son corps subit. Son détachement montre qu'il est l'objet d'une entreprise dont le rayonnement le dépasse et que les bourreaux ne perçoivent pas.
Sébastien n'accorde aucun regard à ses tortionnaires : c’est dans cette impassibilité que se situe – à leurs yeux – sa faute essentielle. Pas un gémissement ne lui est arraché, sa méditation se poursuit, radieuse.
Sébastien affiche une gueule de forgeron, la physionomie d'un palefrenier, la chevelure écarlate d'un ange déchu. Il porte des favoris qui semblent avoir la rudesse de la paille sèche. Sa peau doit humer la sueur. Son corps taillé, dans la masse, agit dans le paysage comme une saillie. Il affiche sa virilité au vent.
Hans Baldung Grien – Martyre de Saint-Sébastien – 1507
Huile sur bois, 121,2cm x 78,6cm, Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg
Son regard effrontément profane m'interpelle : il jaillit littéralement de ses yeux, que ses bourreaux – placés de côté – ne peuvent voir.
Quant aux autres personnages, ils ne sont qu'un fragment du décor.
Une magnifique représentation de Sébastien où l'affirmation de l'âme fleure ferme le cuir tanné.