L’amour, Dominique Fernandez
Ce roman entraîne le lecteur dans un voyage prestigieux : l'histoire politique, sociale et culturelle du début du XIXe siècle, l'amour de Friedrich et Franz. La vie, juste avant de vieillir.
Il est né avec la Révolution française. A vingt ans, il entreprend le pèlerinage artistique des jeunes Allemands, de Lübeck, sa ville natale, à Rome, la ville lumière, après un séjour d'études à Vienne, la ville prestige. Fou de peinture et de musique, déchiré entre la sensualité et la pureté, Friedrich Overbeck s'imprègne profondément de ce voyage initiatique, loin de la famille et de la « fiancée », près de Franz Pforr, l'ami tant aimé, deux ans pour découvrir les fastes et les vérités de l'Art et de l'Amour.
Il a vingt ans, il parle d'un autre temps, il confie pourtant des préoccupations actuelles, la quête d'un amour absolu qui se heurte aux réalités de l'existence et aux urgences de la chair, la consolation sublime de l'art qui grandit les insatisfactions et les blessures, leur donne sens. Il pose les questions essentielles et vitales de la création.
Friedrich est le jeune homme de toujours, immergé dans un siècle foisonnant de courants d'idées, d'espoir et de renouveau. Un début de siècle hésitant entre le classicisme et le romantisme. Entre l'Italie et l'Allemagne.
Dominique Fernandez a écrit un magnifique récit et étonne une fois de plus. Il réunit dans un alliage romanesque parfait, l'histoire (les personnages ont existé), l'imaginaire (le lecteur est sous le « charme » de personnages de chair et de sang) ; il intègre les guerres napoléoniennes, les peintres, les musiciens (troublant, Beethoven saisi dans le quotidien, radoteur épris de jeunes visages, à jamais meurtri par le mariage de son frère), les penseurs, les écrivains et offre cette sensation du réel, l'odeur des rues, la poussière et la tendresse des maisons, l'usure des objets, la présence physique des êtres. Il manœuvre la « caméra » de l'infiniment grand du paysage social et politique (l'Europe dans l'après-Révolution) à l'infiniment intime des individus.
Certes « L'Amour » n'est pas un roman facile : il faut être gré à Dominique Fernandez d'intéresser ses lecteurs avec ce « plus » romanesque.
L'amour qui surprend et inonde d'une jubilation inquiète Friedrich et Franz, s'impose comme une part fascinante de ce roman. Ce thème « homosexuel », Dominique Fernandez l'aborde avec intelligence. Que cet amour se désire dans l'absolu est déjà une rupture avec le libertinage du XVIIIe siècle. Que cet amour ne se suffise pas de la chair indique de futures prises de conscience sur le sexe et le bonheur.
« L'Amour » est un grand roman. Enraciné dans l'Histoire, il annonce les interrogations de demain, une remise en cause de l'amour et de l'art dont les angoisses actuelles sont les signes évidents pour qui accepte de les voir.
■ L’amour, Dominique Fernandez, éditions Grasset, 1986, ISBN : 2246370019 ou éditions Le Livre de Poche, 1987, ISBN : 2253041769
Du même auteur : L'amour - Signor Giovanni - Jérémie ! Jérémie ! - La gloire du paria - L’étoile rose - Eisenstein - L'école du Sud - Dans la main de l'ange - Porfirio et Constance - Porporino, les mystères de Naples