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Les funérailles de la Sardine, Pierre Combescot

Publié le par Jean-Yves Alt

Dieu créa le monde en six jours et le septième, il se reposa. C'est faux, affirme Pierre Combescot, dans ce roman, par la bouche du pape Hilaire : « Le septième, il inventa le roman et se mit à écrire pour l'homme l'histoire de l'homme, une parole d'éternité, un travail toujours en progrès. »

Mais l'homme, sa créature, se rebella. Il tenta de se faire l'égal de Dieu par le roman. « Dieu avait perdu le monde parce que l'homme lui avait dérobé ce qu'il avait de plus cher : le Verbe. »

Ces quelques réflexions, ironiques et insolentes, situent d'emblée le niveau où se placent Pierre Combescot et, surtout, son narrateur. Elles montrent que l'acte romanesque ne résulte pas d'une simple démangeaison narcissique, mais plutôt d'une entreprise terroriste qui vise à déstabiliser l'ordre des choses et à se l'approprier.

Mais tout cela n'est que l'aboutissement d'une histoire riche en rebondissements.

La première partie du roman nous entraîne à Florence, dans les années 1530, en pleine Renaissance. Là, un certain Lorenzo de Médicis, plus connu sous le nom de Lorenzaccio, nous explique par quel concours de circonstances il fut amené à tuer son bien-aimé Alexandre, duc de Florence, non sans s'être copieusement envoyé en l'air auparavant. Sa destinée de Brutus florentin, influencée par une biographie de Lucius Sergius Catilina, premier révolté de l'Histoire, nous permet en outre de rencontrer un Machiavel hautement revisité par Combescot et surtout un Don Michele, bourreau des Borgia, métaphysicien à ses heures et amateur éclairé de peinture, qui n'hésite pas à faire assister les jeunes artistes à ses exécutions.

La seconde partie, qui s'enchaîne sans transition à la première, nous reporte plusieurs siècles en arrière, au Bas-Empire romain, lorsque la chrétienté commençait à faire vaciller le pouvoir païen. Cette fois, c'est un empereur sans nom qui, pour contrarier la nouvelle religion, rédige un Evangile dit « de la sardine » et finit dans les égoûts, dictant sa propre version de la conjuration de Catilina.

La troisième, enfin, se passe à une époque récente, entre la mort de Paul VI et l'élection de Jean Paul Ier, et met en scène une nouvelle conspiration, fomentée par un certain Lorenzo Sardin et sur laquelle veille le préfet de police de Rome, le préfet Acciaiuoli.

Ces trois parties ne forment que trois versions différentes et déformées d'une même histoire.

Le cadre de cet éternel retour, c'est l'Italie, éternelle elle aussi. Et là, Combescot s'en donne à cœur joie : sa "Botte" est peuplée de créatures en tout genre, papes incestueux ou ex-joueur de football devenu travesti, eunuque africain ou proxénètes de la plus haute volée.

De la même manière que le récit de Combescot est circulaire, sa phrase s'enroule en une spirale infinie : on y perd parfois son latin, mais ce torrent de métaphores, agrémenté d'une langue verte à faire rougir les plus délurés, est écrit avec une syntaxe particulièrement élaborée.

■ Les funérailles de la Sardine, Pierre Combescot, Editions Grasset, 1986, ISBN : 2246374510

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