Bonheur des injures, Marcel Jouhandeau
C'est une révélation que d'être insulté, méprisé publiquement. On fait la connaissance de certains mots qui n'étaient jusqu'alors que des accessoires de tragédie et dont on se voit tout d'un coup affublé, accablé.
On n'est peut-être plus celui qu'on croyait. On n'est plus celui que l'on savait, mais celui que les autres croient connaître, reconnaître pour tel ou tel.
Si quelqu'un a pu penser cela de moi, c'est qu'il y a quelque vérité là-dessous. On essaie d'abord de prétendre que ce n'est pas vrai, que ce n'est qu'un masque, une robe de théâtre qu'on vient de jeter sur vous par dérision et on veut les arracher, mais non ; ils adhèrent tellement qu'ils sont déjà votre visage et votre chair et c'est soi-même qu'on déchire, en voulant s'en dépouiller. [page 191]
Marcel Jouhandeau
■ in De l'abjection, Editions Gallimard, 2006, ISBN : 207077743X
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