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La statue mutilée, une nouvelle de Tennessee Williams

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans cette nouvelle (Titre original : One Arm), le beau gigolo manchot évoque une statue d'Apollon mutilée :

« Il s'appelait Oliver Winemiller, et, avant de perdre un bras, il avait été champion de boxe, catégorie mi-lourds, pour la flotte du Pacifique. Maintenant, il ressemblait à la statue brisée d'un Apollon : il avait la froideur et l'impassibilité d'une figure de pierre. »

La vie de cet ex-boxeur privé de son bras a perdu tout sens. Après l'avoir fait sombrer dans la prostitution, la débauche l'a conduit au meurtre. Emprisonné, il découvre les sentiments que ses amants de passage ont encore pour lui :

« On commençait à lui écrire. [...] On faisait allusion aux nuits passées ensemble, à ces quelques heures parfois que chacun jugeait les plus riches de son existence entière. C'est qu'Oliver avait quelque chose en lui - c'est ce qu'on lui écrivait -, un charme qui n'était pas seulement physique et qui hantait les esprits pour toujours. »

Il arrivait même qu'on le compare à une sorte de Christ crucifié :

« Pour certains, Oliver devenait même une sorte de Christ en croix qui avait pris sur lui tous les péchés du monde pour les laver dans son sang et les purifier par sa passion. »

La sexualité n'est donc que l'apparence de l'imperfection, de l'impureté à laquelle Tennessee Williams à travers ses personnages cherche à échapper. Ainsi, la chaise électrique est bien pour Oliver Winemiller le chemin de la délivrance et de la purification :

« Puis le moment arrive. Il y eut comme un bourdonnement dans l'air soudain obscurci. Venue de derrière les frontières de l'inconnu, cette force bien connue et si quotidienne, et cependant si lointaine et si mystérieuse, traversa sans bouger l'espace infini, dans l'éclat de sa flamme brûlante, traversa pendant un instant les cellules nerveuses d'Oliver puis retourna vers ses frontières immenses, ayant drainé tout ce qui était à elle dans le corps de ce garçon au bras coupé qu'on avait appelé autrefois "l'éclair au gant de cuir".»

■ in "Le boxeur manchot", Editions Robert Laffont, Collection Pavillons poche, janvier 2006, ISBN : 2221105974


Lire aussi sur ce blog :

- Le masseur noir

- Malédiction

- La nuit où l'on prit un iguane

- Sucre d'orge

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