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Mon regard sur le saint Sébastien des frères Pollaiolo

Publié le par Jean-Yves Alt

Un adolescent presque nu est lié au sommet d'un tronc d'arbre mort, sa tête, dans le bleu du ciel, touche le bord du tableau. Il a l'air passif, perdu dans ses rêveries, ce qui se passe en dessous de lui ne semble pas l'émouvoir.

Le nombre de flèches est réduit : le martyr n'est plus représenté comme un hérisson mais comme un jeune homme séduisant, presque nu. Le sang coule à peine, aucun bubon, aucune tache noire ne dépare le corps parfait du supplicié au cœur d'un paysage riant.

Des hommes s'agitent et tournent en une sorte de ballet dans lequel le peintre fait jouer les muscles de personnages athlétiques. Quatre d'entre eux tiennent un arc ou une arbalète tendue et visent le corps de l'adolescent, attendant peut-être qu'un des cavaliers en armure à l'arrière-plan donne l'ordre de tirer.

Si le jeune Sébastien apparaît chez Andrea Mantegna, à la même époque, sous les traits d'un athlète antique, viril et robuste, il est représenté chez les frères Pollaiolo, comme un doux éphèbe aux traits un peu efféminés. Tel un héros en route vers les étoiles, il semble indemne, noble et beau malgré les flèches.

Antonio et Piero del Pollaiolo – Le Martyre de saint Sébastien – 1475

Huile sur bois, 292cm x 203cm, Londres, National Gallery

En hommage à l'Antiquité, le peintre a placé à gauche les vestiges d'un arc de triomphe romain au fronton éclaté.

Un des arbalétriers, presque de face, est quasi nu : ses artères sont gonflées, ses muscles tendus, son souffle retenu pour gagner de la force et son sang est monté à la tête avec l'effort physique. Un autre, de dos, juste à côté, porte des vêtements ajustés permettant de bien faire ressortit son corps. Ces deux arbalétriers semblent être une seule et même personne, l'un étant la version habillée de l'autre.

Tous les bourreaux sont vus sous un angle différent comme si les peintres avaient voulu faire une sculpture que les admirateurs pourraient contempler en en faisant le « tour ».

Sébastien a les reins ceints d'un linge transparent et le contraste avec les corps plus mûrs et musclés des archers accentue la délicatesse presque féminine de son corps.

Paradoxalement, cette représentation rapproche le martyr chrétien des idoles païennes dont la légende dit que Sébastien les combattait.

Sur ce tableau, le saint devient une sorte d'Apollon chrétien : il évoque le bel Adonis chéri des dieux ou Cupidon aux flèches d'amour.

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