The servant, un film de Joseph Losey (1963)
Un grand film en noir et blanc
On y retrouve une manière, une atmosphère, un indescriptible qui fait l'époque. Une sorte de monotone ennui, un profond psychologisme visant à montrer la fausseté des rapports entre les êtres malgré le bien être économique de cette décennie 60.
L'histoire se passe en Angleterre. Un jeune maître, Tony, décide de prendre à son service un valet, Hugo Barrett, lequel est frauduleux, aussi malhonnête que lui, mais un peu plus réaliste, donc un peu plus vicieux. Toute l'action se déroule en vase clos : la maison ; à part quelques incartades comme celle de la réconciliation entre le maître et son valet.
Dès le début du contrat qui les lie, on sent que le rapport n'est pas celui entendu par les clauses du contrat. Un drame couve. Au début les rapports sont distants entre les deux hommes. Toutes les autres figures, ne sont, tout au long du film, que de vulgaires pièces d'échiquier, que les contractants déplacent au fur et à mesure qu'augmente « l'amour », l'adversité, la dépendance réciproque, en un mot : la connivence. C'est en ce sens qu'il faut voir la position de la fiancée du maître : pièce maîtresse oui, mais si facilement contournable pour un homme averti.
Qui du valet ou du maître est vraiment ce par quoi sa fonction le désigne ?
Toute l'analyse du rapport que fait Losey est basée sur une homosexualité latente entre les deux hommes. Elle est plus lucidement vécue de la part du valet. Leur rapport sado-maso ou maître-esclave, en sera le catalyseur : la scène de la douche, réalisée dans les limites décentes que permet l'époque, sera donc sous-entendue.
A partir de là, le lieu de l'action se resserre pour faire corps avec le lieu qui distribue le rapport de pouvoir : l'escalier. L'escalier sera la métaphore du rapport entre James Fox (Tony) et Dirk Bogarde (Hugo Barrett) : l'un dominant l'autre ; encore faut-il savoir lequel ?
Joseph Losey montre toute sa force et son talent dans ce film qui pourrait être aussi une nouvelle version de Dorian Gray, dans la mesure où le valet et son maître ne sont après tout qu'à la recherche d'une perpétuelle jeunesse que leur rapport leur interdit.