Les Dames de France, Angelo Rinaldi
"Les Dames de France", c'est le nom du magasin de mode et de mercerie qu'Alida la mère du narrateur tenait en Corse. C'est aussi le titre du roman que Léna, la tante du narrateur, plus vieille que lui de deux ans à peine, a publié. C'est enfin le titre du roman de Rinaldi.
Appelé par l'éditeur qui le prévient que les invendus du roman de Léna vont être mis au pilon, le narrateur, installé dans ce bureau devant un homme qui parle beaucoup, revit ce que furent les "Dames de France".
Ainsi se découvrent peu à peu son enfance et son adolescence, son amour complice et partagé avec Léna qui s'est suicidée avant trente ans, elle qui était la vie. Car elle était la seule qui pouvait revivre ses souvenirs avec lui, la seule à comprendre la difficulté d'être dans cette étouffante société provinciale et la difficulté d'aimer lorsqu'on est homosexuel.
Ce roman, longue rêverie du narrateur où ressurgissent sans ordre apparent, souvenirs et personnages de son passé, sous la désinvolture brouillonne et soigneusement agencée de la forme, possède une construction, extrêmement rigoureuse. Par strates successives, s'amoncelle peu à peu tout le poids des amours coupables, puisque tout interdit, au narrateur d'aimer les garçons comme d'aimer Léna.
Rinaldi fait revivre avec une étonnante acuité l'atmosphère oppressante de cette bonne société de province, créant en quelques phrases des personnages qu'il me semble avoir connus, des situations vécues avec leur parfum, leurs joies et leurs peines tout juste esquissées : tout ce qu'il me semblait ne pouvoir jamais dire de sensations fragiles et de souvenirs volatils.
Un roman remarquable servi par un style d'une magnifique précision qui s'étire en longues phrases cherchant à cerner l'impalpable, la fragrance improbable du passé.
■ Les Dames de France, Angelo Rinaldi, Éditions Gallimard, 1977, ISBN : 2070298418, ou Éditions Gallimard/Folio, 1980, ISBN : 2070371964
Du même auteur : Les jardins du Consulat - La dernière fête de l'Empire - Les roses de Pline