Pao Pao, Pier Vittorio Tondelli
Le service militaire, ça pouvait être gay : la preuve, « Pao Pao » (qui signifie « Piquet Armé Ordinaire », autrement dit le tour de garde).
Pao Pao parle d'amour entre deux garçons ; ce roman a une sensibilité homosexuelle mais ce sont surtout la forme, le langage, l'écriture, le rythme qui comptent.
« Naïvement j'étais presque heureux à l'idée de connaître des gens nouveaux, des gens beaux peut-être même, après tout, ce serait une année comme les autres, une année de plus, avec ses peines mais ses amours aussi. Exactement ce qui est arrivé. » (page 11)
1980 : le narrateur a 24 ans et arrive à la caserne d'Orvieto pour faire ses classes. Dans cette « Babel de toute l'Italie rustique et régionale » (page 14) où les mecs mesurent près de deux mètres (le standard des grenadiers), la vie n'est pas toujours rose, loin s'en faut. Vite affecté à un travail de bureau peinard et sans intérêt en lieu et place des marches et autres réjouissances du même genre, le narrateur se fait quelques copains, se roule des joints derrière l'infirmerie et attend tranquillement que le temps passe.
Les premières semaines, pas de sexe mais la passion pour un autre appelé, Lélé, aux « yeux liquides-liquides » (page 15) et aux « lèvres douces et dangereuses à l'extrême » (page 15). Malheureusement, l'Apollon ne pense qu'à sa fiancée et s'il prend la déclaration d'amour du narrateur avec bonne humeur, pas question pour autant de s'envoyer en l'air. Les affectations les séparent et le narrateur se retrouve à Rome où il passe plus de temps avec ses copains à draguer et à se shooter qu'à servir la patrie.
Galères, ennui, beuveries, confidences forment le quotidien pas vraiment triste de Moustache, Beaujan et les autres, une petite bande assez branchée sur le sexe, mâle bien entendu. L'ambiance est plutôt folle et le narrateur essaie d'oublier son amour déçu dans les bras d'Erik, un musicien sexy.
Pao Pao n'est pas une histoire d'amour, avec un début et une fin, mais seulement des moments de présence à soi-même, des moments de vérité très forts comme l'histoire du narrateur avec Erik à Rome.
La drogue occupe aussi une place importante : elle sert à dire que dans une situation de difficulté, où la liberté est perdue, c'est toujours possible de chercher des espaces de liberté. Alors fumer à l'intérieur ou à l'extérieur de la caserne, ça n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est de se dire que la vie va continuer comme avant et que ce n'est qu'une étape.
Pao Pao est un roman exceptionnel par la fulgurance du style et la richesse de la langue, à la fois lyrique et quotidienne, poétique et argotique, subtile et évidente.
■ Pao Pao, Pier Vittorio Tondelli, Éditions du Seuil, 1985, ISBN : 2020087073
Du même auteur : Chambres séparées - Les nouveaux libertins