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L'exaltation de l'amour viril au Moyen-âge par Georges Duby

Publié le par Jean-Yves Alt

La culture féodale était fondée sur un univers exclusivement masculin. Les hommes de guerre vivaient dans un monde éloigné de celui des femmes, portés à développer une éthique du courage individuel et de la soumission à l'ordre féodal.

Cette vie créait des liens solides, qui dépassaient souvent la simple camaraderie, engageant deux chevaliers jusqu'à la mort. Liens qui devaient s'exprimer dans une tendresse sentimentale mêlée de vigueur militaire, difficile à concevoir aujourd'hui.

Ce statut social et symbolique de ces amitiés viriles a été analysé par Georges Duby :

« Dans la chevalerie du XIIe siècle – comme à l'intérieur de l'Église –, l'amour normal, l'amour qui porte à s'oublier, à se surpasser dans l'exploit pour la gloire d'un ami, est homosexuel. Je n'entends pas qu'il conduise forcément à une collusion charnelle. Mais c'est très évidemment sur l'amour entre mâles, fortifié par les valeurs de fidélité et de service empruntées à la morale vassalique, que l'ordre et la paix sont censés reposer, et c'est sur lui que les moralistes ont naturellement reporté la ferveur nouvelle dont la pensée des théologiens avait imprégné le mot amor. En revanche, lorsque les hommes d'Église s'intéressaient aux relations entre l'homme et la femme – et c'était une de leurs préoccupations premières, puisqu'ils s'appliquaient en ce temps à édifier une éthique du mariage, à raffermir les cadres de l'union conjugale, seul lieu, selon eux, où pussent s'établir des rapports hétérosexuels licites –, ils se montraient d'une prudence extrême. Car dans ce cas, le sexe intervient nécessairement, car le sexe est péché, la pierre d'achoppement. »

Georges Duby

in Dames du XIIe siècle (tome 1), Editions Gallimard / Bibliothèque des Histoires, 1995, ISBN : 2070741761, p. 167


Lire aussi : Amitiés avunculaires par Georges Duby

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