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Tirésia, un film de Bertrand Bonello (2002)

Publié le par Jean-Yves Alt

Mal accueilli lors du festival de Cannes 2003 où il était, pour les plumes assassines, le film français sélectionné de trop, Tiresia est pourtant un long métrage fascinant. Bertrand Bonello, auteur ambitieux, ose à chaque film confronter son art à de lourds sujets rhétoriques.

Tiresia, un transsexuel brésilien d'une grande beauté, vit clandestinement avec son frère dans la périphérie parisienne. Terranova, un esthète à la pensée poétique (qui se révèlera être prêtre), l'assimile à la rose parfaite et la séquestre pour qu'elle soit sienne. Peu à peu, privée d'hormones, Tiresia va devant ses yeux se transformer : la barbe qui pousse, la voix qui change... Dégoûté de ce qu'est devenue sa Tiresia, Terranova va l'aveugler et la jeter à l'orée d'une banlieue voisine. Tiresia est recueillie dans un piètre état par Anna, une jeune fille un peu simple, qui prend soin d'elle. C'est alors qu'apparaissent chez le transsexuel des dons de prédiction...

Issu d'un mythe grec :

Quelques éléments sur la légende de Tiresia : Il existe dans la mythologie grecque différentes versions du tragique destin de Tirésias. Toutes s’accordent cependant à dire que cette créature, homme devenu femme, fut frappée de cécité et dotée en compensation d’une vision supérieure : la divination. Ce mythe raconte l'histoire d'un jeune homme qui fut changé en femme après avoir regardé puis tué deux serpents en train de s'accoupler. Tiresia fut alors interrogée par Zeus et Athéna, qui voulaient savoir lequel, de l'homme et de la femme, éprouvait le plaisir le plus intense lors de l'acte sexuel. Tiresia, qui l'avait accompli sous les deux états, leur répondit que la femme éprouvait un plaisir neuf fois supérieur à celui de l'homme. Athéna, furieuse que Tiresia révèle ce que la déesse considérait comme un secret, lui creva alors les yeux, et la fit revenir à sa forme masculine. Mais Zeus, ému par le sort de Tiresia, lui conféra le don d'oracle...

MON COMMENTAIRE : Ce film s’efforce de restituer la sphère insaisissable de la mythologie, son irrationalité, sa violence et sa beauté. Il s’attaque à des thèmes comme la permanence des désirs les plus sombres et inavouables des hommes, la confrontation entre les croyances et la foi, l’identité sexuelle mais aussi la dualité de l’être humain. Il en reste quelque chose d’ambitieux et de foisonnant.

Tiresia (parlant en brésilien) - Tu es attiré par les transsexuelles mais tu ne peux pas les toucher ; c’est vrai qu’on a quelque chose de plus et qu’il y a une grande joie mais c’est une chose désespérée, et ça tu ne peux pas le voir.

Terranova - Je ne comprends pas ce que tu dis.

Tiresia - Je ne sais pas le dire en français.

Plus tard, chez Anna, Tiresia écrit une lettre à son frère Eduardo :

Mon cher Edu,

Je n’ai pas pu te donner des nouvelles et je ne peux pas t’en dire plus aujourd’hui. Je ne sais pas où je suis mais ici je suis en sécurité. Je vis avec une jeune fille, Anna qui s’occupe de moi. Je ne sais pas pourquoi mais c’est un cadeau. Ayant perdu l’usage de mes yeux, je ne peux la voir. La seule chose que je sais, c’est que nous ne pourrons probablement plus jamais nous revoir, mais en aucun cas tu ne dois penser que c’est un drame. D’ailleurs je ne verrai plus personne et je voudrais que plus personne ne me voie. Qu’est ce que c’était ma vie ? Là, elle a violemment changé. Mais, je suis heureuse parfois. Il y a de belles choses qui viennent et je les dis. Toi aussi, je me souviens que tu étais très beau, mon frère. Ne t’inquiète pas pour moi, plus rien ne nous appartient.

Tiresia.

Peu après, Terranova, le prêtre, viendra voir Tiresia (avec la peur et peut-être même le désir qu'elle le reconnaisse.) Elle lui redira seulement les mêmes choses qu'elle a écrites à son frère.


Lire aussi : Tirésias, l'androgynie et la bisexualité

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