Tropical malady, un film de Apichatpong Weerasethakul (2004)
Keng, le jeune soldat, et Tong, le garçon de la campagne mènent une vie douce et agréable. Le temps s'écoule, rythmé par les sorties en ville, les matchs de foot et les soirées chaleureuses dans la famille de Tong. Un jour, alors que les vaches de la région sont égorgées par un animal sauvage, Tong disparaît. Une légende dit qu'un homme peut être transformé en créature sauvage... Keng va se rendre seul au cœur de la jungle tropicale où le mythe rejoint souvent la réalité.
PAROLES DU REALISATEUR
Un film coupé en deux
La particularité de ce film est de changer totalement de registre à sa moitié. Chronique réaliste dans sa première heure, il devient ensuite une fable onirique. Bien des spectateurs, lors de la présentation du film à Cannes, avaient même pensé qu'une erreur de bobine était à l'origine de cette rupture déroutante... Apichatpong Weerasethakul s'explique : "Même si le film a une structure linéaire, il est fait de deux histoires qui ont lieu dans deux mondes différents. Ces territoires sont reliés par des personnages que le spectateur peut considérer comme étant les mêmes, ou non. L'important, ce sont les souvenirs. Les souvenirs de la première partie fécondent la seconde, tout comme la seconde partir féconde la première. L'une n'existe pas complètement sans l'autre."
Tournage dans la jungle
Tropical Malady a été entièrement tourné dans la jungle du Nord-Est de la Thaïlande. Le preneur de son a d'ailleurs pu y capter des sons spécifiques à la forêt pour retranscrire à l'écran leur spécificité.
"La jungle est un personnage à part entière", explique Apichatpong Weerasethakul. "Je voulais reparcourir le même endroit tout en le regardant différemment. Lorsque je suis dans la jungle, je vois un vaste espace de vie, une vie très différente des lois qui lui sont propres. Je ne crois pas que je pourrai un jour véritablement comprendre le monde animal. Cependant, j'emprunte ces paysages pour y installer la "maladie" du film. Un monde étouffant qui n'est pas humain".
Entre le rêve et le conte
Le cinéaste revient sur l'atmosphère onirique dans laquelle baigne Tropical Malady : "Je suis fasciné par le mystère, cela vient de mon enfance. J'ai grandi dans un hôpital, mes parents sont médecins. Ces lieux étranges où l'on conserve des membres dans des bocaux étaient un terrain de jeux pour les enfants. Les nuits étaient calmes et on nous racontait toujours des histoires de fantômes. Je suis fasciné par la simplicité quasi conceptuelle des contes et des légendes. J'ai donc construit le film comme un conte : des rencontres et un minimum de moments dramatiques."
La maladie d'amour
Le réalisateur donne des précisions sur cette « maladie tropicale » qui donne au film son titre : "Je crois que nous en sommes tous atteints. Nous nous attachons à certaines choses, en particulier à la beauté de notre propre espèce. C'était déjà un thème de Blissfully yours, mais cette fois j'ai voulu montrer son aspect maladif. A un moment de notre vie, nous sommes quasiment "étouffés" par les merveilleux souvenirs de ceux que nous aimons. Les amants de Tropical Malady succombent de leur amour".