Correspondance 1925-1936, Salvador Dali-Federico Garcia Lorca
Ce livre rassemble les lettres que Salvator Dali adresse à Federico Garcia Lorca, entre 1925 et 1936. Il est dommage que n'y figurent pas les réponses de Lorca à Dali ; on pourrait se faire une idée plus objective des liens qui unissent le peintre et le poète.
Mais qu'importe. Le silence de La Boétie, décédé au moment de la publication des Essais, empêche-t-il d'aimer l'œuvre de Montaigne, qui lui est consacrée ?
Cet ouvrage épistolaire résulte, lui aussi, d'une séparation : Dali est à Cadaquès, Lorca à Grenade. Et Federico invite Dali, à maintes reprises, à venir le rejoindre dans sa propriété familiale de Daimuz. En vain.
Dali est déjà prisonnier de son œuvre : « Moi, je ne peux pas venir. Je ne peux pas laisser certains tableaux que j'ai commencés. Viens, toi. »
La tendresse de leurs rapports ne fait guère de doute : il suffit de lire les entêtes et les surnoms affectueux, qui débutent et jalonnent les lettres de Dali ; cela va du protocolaire « Mon cher », « Mon Frère », « Cher Federico », à des formules beaucoup moins protocolaires ; souvent Dali laisse sans fard et sans déguisement jaillir sa passion « Mon chéri, écris-moi, toi, le seul homme intéressant que j'ai connu » ; « Si j'étais à tes côtés, je ferais le Pédé pour t'émouvoir et te voler tes petits billets » ; ou encore : « Pour Federico, avec toute la tendresse de son Bébé ».
Toutefois, le non-dit compte plus que ces effusions sentimentales : les lettres de Dali sont plus troublantes dans leurs demi-aveux : « Nous devons ne pas tant parler tous les deux », et dans la poésie d'un code secret par lequel communiquent tous les amoureux de l'histoire, comme ces émotions d'artiste pour le thème de saint Sébastien : « Il y a bien une histoire de saint Sébastien, qui prouve à quel point il est bien attaché à sa colonne, et que son dos est intact. Tu n'avais pas pensé que le cul de saint Sébastien n'est pas abîmé. »
Le livre est précieusement illustré : de nombreuses photos de vacances les montrent tendrement appuyés l'un contre l'autre, main dans la main, cuisse bronzée contre cuisse bronzée, dans les maillots sexy à la mode des années folles... Et Louis Pauwels, à la fin d'une interview exclusive accordée par le peintre, qui prétend avoir connu Dali « répulsif à tout contact physique »…
■ Correspondance 1925-1936, Salvador Dali-Federico Garcia Lorca, Notes et chronologie de Rafael Santos Torroella, Éditions Carrère, 1987, ISBN : 2868044530
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